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Santé mentale de la personne âgée : vers un modèle plus préventif et inclusif


Publié le Vendredi 12 Décembre 2025 à 09:25

Note de position du Cercle Vulnérabilités et Société.




Alors que la santé mentale a été renouvelée comme Grande Cause nationale pour 2026, les plus de 65 ans restent les grands oubliés du plan gouvernemental présenté en juin 2025. Or, 1 personne âgée sur 5 souffre de troubles psychiques, et plus de 40 % des résidents en EHPAD présentent des symptômes dépressifs souvent non traités. Dans ce contexte, le Cercle Vulnérabilités & Société publie une note de position qui appelle à une politique volontariste et collective de santé mentale du grand âge, fondée sur la prévention et le lien plutôt que sur le seul soin. Elle formule une série de mesures concrètes à destination des pouvoirs publics (État et gouvernances territoriales), des structures d’accueil (EHPAD et résidences) et des associations, dont les gains sont quantifiables.

La réserve mentale : un concept opérationnel

Pour poser le cadre de cette politique, le Cercle Vulnérabilités & Société propose de s’appuyer sur la notion de « réserve mentale », un modèle simple et concret pour penser la santé psychique du grand âge.  À l’image d’une batterie, la réserve mentale se remplit grâce aux liens sociaux, à la continuité des repères et à la stimulation sensorielle, et se vide sous l’effet des pertes, des ruptures et de l’isolement. Avec l’âge, sa capacité de stockage diminue et sa recharge ralentit.
 
Agir sur la réserve mentale, c’est intervenir en amont, au quotidien, au-delà du seul soin médical. Ce modèle identifie les facteurs de décharge à limiter et les facteurs de protection à renforcer, comme maintenir l’environnement habituel, préserver les liens sociaux ou encourager les espaces de parole. Il fournit un cadre opérationnel pour mobiliser familles, aidants, professionnels, voisins, associations et pouvoirs publics autour d’un objectif commun : préserver l’équilibre psychique des plus âgés.

Des recommandations à mettre en place aux différentes échelles

Protéger la réserve mentale des aînés nécessite une réponse rapide et collective. Il est essentiel de passer d’une approche médico-centrée à un modèle global, intégrant les dimensions sociales, environnementales et psychologiques. Pour changer de paradigme, le Cercle Vulnérabilités & Société recommande des actions ciblées pour chaque acteur clé du système de santé et du soutien à domicile des aînés :
  Les pouvoirs publics (services ministériels, ARS et collectivités) doivent inscrire la santé mentale des aînés comme une priorité nationale, en l'intégrant dans les contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) des EHPAD, et dans les Projets Territoriaux et les Contrats Locaux de Santé Mentale (PTSM et CLSM), en finançant des équipes mobiles de géronto-psychiatrie pour assurer une approche préventive sur les territoires mais aussi en valorisant le soutien à des actions de prévention santé mentale de municipalités, par exemple via l’attribution du label « Ville Amie des Ainés » ou en finançant des coordonnateurs territoriaux de lien social, inspirés du modèle canadien.    Les établissements d’accueil (EHPAD, résidences) doivent devenir des lieux de santé mentale. Le Cercle propose par exemple la désignation d’un référent santé mentale, la formation du personnel au repérage des signes précoces (notamment avec des formations comme les PSSM), la mise en place d’un ratio minimal de psychologue à 1 ETP pour 60 résidents, l’aménagement d’espaces de socialisation non prescriptifs pour prévenir l’isolement (cafés, jardins, ateliers) ou encore la formalisation d’un partenariat avec le CMP de secteur.   Les associations, les réseaux bénévoles et les bailleurs doivent être mobilisés pour soutenir la santé mentale des aînés. Pour ce faire, le Cercle recommande de déployer des groupes de parole thématique et de promouvoir des initiatives intergénérationnelles, sur l’exemple des programmes « Ce qui compte vraiment » ou « Make sens ». Des espaces de répit psychologique doivent être créés pour les aidants, accompagnés de formations sur la communication bienveillante et la gestion de la fatigue morale. La note propose de développer des « réseaux de voisins solidaires du grand âge » et d'intégrer la dimension psychique du vieillissement dans les programmes de santé communautaire.

Des bénéfices mesurables et exponentiels

Investir dans la santé mentale des personnes âgées présente un triple dividende : sanitaire, social et sociétal. Cet investissement à faible coût génère des bénéfices durables, avec des effets systémiques qui profitent à long terme. Des gains sanitaires et humains (réduction des hospitalisations évitables, diminution des polypathologies liées au stress chronique, retard du recours aux structures médicalisées, amélioration du bien-être subjectif), chaque euro investi en prévention de santé mentale pouvant éviter entre 3 et 6 € de dépenses curatives ;
  Des gains sociaux et relationnels (renforcement du lien intergénérationnel, cohésion locale accrue, réduction de l’isolement, moins de maltraitance), ce qui participe à créer une communauté plus stable, plus solidaire et moins couteuse à gérer ;
  Des gains économiques et organisationnels (allégement de la charge pour le système de santé, maintien d’une contribution économique indirecte, réduction du turnover et de l’épuisement professionnel des soignants et aides à domicile, optimisation des coûts publics), avec entre +25 et +40 % de retour social sur investissement (SROI) sur 5 à 10 ans, selon les modèles territoriaux ;
  Des gains symboliques et sociétaux (valorisation du vieillissement actif, effet d’entrainement intergénérationnel), la santé mentale des aînés devenant un laboratoire de modèles transférables à d’autres populations.
« Prendre soin de la santé mentale des personnes âgées, ce n’est pas seulement créer une société plus juste et inclusive, mais également plus performante. En capitalisant sur la prévention à tous les niveaux pertinents et en reconnaissant la vulnérabilité comme une richesse, nous créons un environnement de solidarité intergénérationnelle, où chaque action préventive génère des bénéfices concrets pour tous », analyse Edouard de Hennezel, Président-fondateur du Cercle Vulnérabilités & Société.
 
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