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Améliorer la qualité de vie au travail pour le bénéfice de tous


Publié le Mercredi 16 Décembre 2020 à 09:41

Réorganisation des plannings, mise en place d’activités « bien-être », don de paniers repas lors du confinement, animation d’ateliers par des aides-soignants… Géré par l’association Adages, l’EHPAD L’Ostal du Lac, situé au Crès, près de Montpellier, multiplie les initiatives en faveur de ses salariés. Cette nouvelle approche, l’établissement la doit, entre autres, à Pascal Ségault, son directeur. Rencontre.


Pascal Ségault, directeur de l’EHPAD L’Ostal du Lac. ©DR
Dès votre arrivée à la direction de l’EHPAD L’Ostal du Lac, vous avez lancé plusieurs travaux en faveur d’une amélioration de la qualité de vie au travail (QVT) de vos agents. Comment avez-vous procédé ? 
Pascal Ségault :
La première étape a été la réalisation d’un diagnostic global de l’EHPAD et du SSIAD en prenant en compte les volets ressources humaines, économiques ainsi que les modalités d’accompagnement des résidents. Pour cela, nous sommes partis d’enquêtes de satisfaction réalisées auprès des résidents et de leurs familles, d’entretiens avec l’ensemble des professionnels, de l’étude des documents institutionnels, mais aussi d’un partenariat noué avec le CNAM (Conservatoire National des Arts et Métiers) de Montpellier qui a permis d’accueillir trois personnes en formation « responsable ressources humaines » auxquelles j’ai délégué une enquête sur les conditions de travail. En appuyant ce diagnostic sur des ressources extérieures, nous avons pu garantir une transmission sereine des informations par les professionnels, d’autant que les supports d’enquête étaient bien entendu anonymes. 

Quels sont les différents indicateurs retenus pour établir ce diagnostic ? 
Parce que, selon moi, on ne peut pas s’appuyer uniquement sur les chiffres de l’absentéisme, nous avons également souhaité prendre en compte le sentiment d’appartenance à la structure, l’équilibre vie privée/vie professionnelle, l’ambiance de travail, le soutien ressenti ou encore le sens donné à l’action. Ces indicateurs, en plus d’être bien plus pertinents, permettent aussi et surtout d’apporter des réponses précises. 

Justement, quelles ont été vos premières réponses ?
Ayant eu la possibilité de travailler dans d’autres établissements du secteur médico-social [voir encadré], j’ai rapidement pu constater la charge de travail et le manque de moyens en EHPAD. J’estime qu’ils ont, en moyenne, 45 % de budget en moins que d’autres structures médico-sociales pour des besoins en soins et sociaux similaires – voire supérieurs, je pense aux Maisons d’accueil spécialisées par exemple. Ne pouvant pas augmenter le taux d’encadrement, nous essayons donc de diminuer la charge de travail physique en mettant en place des aides techniques de manutention et des formations aux gestes et postures. Pour aller plus loin, trois actions étaient, pour moi, possibles : repenser l’organisation globale de l’établissement, chercher des financements et être créatif. 
Les premiers changements ont donc été apportés sur l’organisation des équipes et de leurs missions en insistant sur le volet social afin de « dé-sanitariser » la façon d’être des professionnels. Nous avons ainsi élaboré de nouvelles fiches de fonction, en y incluant plusieurs variantes propres au projet professionnel de chacun. Afin de garantir un bon rapport entre vie privée et vie professionnelle, nous avons également revu les plannings avec un objectif principal : déterminer un jour de repos fixe par semaine et réduire l’alternance des emplois de temps.

Pourquoi ces réorganisations étaient-elles, à votre sens, essentielles ? 
Parce qu’en construisant une base solide, constituée d’organisations et d’outils auxquels les salariés adhèrent, ou du moins comprennent, nous pouvons par la suite engager des projets plus spécifiques. Nous avons, par exemple, pu mettre en place « Mon passeport santé et bien-être au travail » qui donne un accès gratuit aux salariés à plusieurs activités.  

Vous avez également organisé, lors du confinement, l’opération « EHPAD drive », qui permettait aux agents de recevoir chaque semaine gratuitement un panier de denrées alimentaires… 
Devant l’incertitude de la situation et le danger de contamination du personnel comme des résidents, il m’avait effectivement paru important d’organiser une réponse structurée, qui repose sur la stabilité du personnel. Cette opération « EHPAD drive », couplée à la distribution de « kits d’hygiène » à tous les salariés, a ainsi favorisé le maintien des professionnels à leur poste. En pleine crise, ces actions ont clairement renforcé le sentiment d’appartenance à notre établissement. Même si aujourd’hui, on se souvient de ces expériences, je pense néanmoins qu’aucune réponse ne pouvait garantir l’absence de contaminations. Notre équilibre est extrêmement fragile et c’est avec humilité que nous devons faire face à cette épidémie dévastatrice. 

Toutes ces initiatives ont un coût. Comment trouvez-vous les financements ? 
Effectivement, les opérations mises en place pendant le confinement ont eu un coût total de près de 14 000 euros. Pour les financer, nous avons pu compter sur des crédits octroyés par l’ARS pour compenser une partie des dépenses exceptionnelles liées à l’épidémie. Dans le cadre de la mise en place de « Mon passeport santé et bien-être au travail », nous avions également pu bénéficier de financements de l’ARS, via des crédits non-reconductibles. Ces enveloppes sont une chance, il faut en profiter car la QVT a un coût. Mais les retours sur investissements sont rapides notamment pour ce qui concerne la diminution du recours à l’intérim ou aux CDD. Au sein de notre établissement, nous comptons inclure les actions QVT dans nos prochains budgets car, au-delà d’un atout managérial, cette démarche offre la possibilité de concourir concomitamment au bien-être des résidents, des bénéficiaires du SSIAD et des salariés. Bien entendu, tout cela est lié…  Le bien-être des résidents passe par celui de ceux qui les accompagnent. Penser les modalités d’accompagnement avant la QVT correspondrait à vouloir conduire une voiture sans roue : vous n’êtes pas prêt d’arriver à destination !



Article publié sur le numéro d'octobre d'Ehpadia à consulter ici

 

Un parcours atypique

À la tête de l’EHPAD L’Ostal du Lac depuis deux ans, Pascal Ségault a pendant longtemps travaillé dans le monde de l’enfance. Éducateur spécialisé, diplômé en 2003 à l’IRTS de Lorraine, il a progressivement étendu sa formation en obtenant en 2008 une licence en Ressources Humaines, un Master 1 en gestion des établissements de santé en 2014, et le Certificat d'Aptitude aux Fonctions de Directeur d'Établissement ou de Service d'intervention sociale (CAFDES) en 2017. Fort d’une vingtaine d’année d’expérience dans le monde du médico-social, il n’avait pourtant pas exercé de fonctions en EHPAD avant 2017. « Passer d’un public mineur à celui de personnes âgées a été un réel changement que je ne regrette en rien », confie l’intéressé qui avoue avoir été surpris, dès son arrivée, par la dimension « très sanitaire » de la mission du personnel des EHPAD. « Reléguant souvent l’aspect social en second plan, cette vision fait oublier que l’EHPAD est avant tout un lieu de vie », insiste le directeur qui s’est pleinement emparé de cette nouvelle vie : « Réinventer, repenser, créer… Toutes ces choses indispensables au bien-être de tous font de l’EHPAD un endroit réellement stimulant ».  


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