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La télémédecine nocturne en EHPAD, une réalité dans le Maine-et-Loire


Publié le Mercredi 3 Mai 2023 à 11:56

Pour fluidifier le parcours des résidents et limiter le recours aux transferts en nuit profonde, les professionnels sanitaires et médico-sociaux du Maine-et-Loire ont inauguré, jeudi 2 mars, un tout nouveau dispositif de visio-régulation nocturne. Associé à une mallette de soins d’urgence, ce projet novateur élargit les échanges entre les équipes du SAMU et de l’EHPAD pour assurer une prise en charge rapide et, le cas échant, différer voire éviter l’hospitalisation.


© Catherine Jouannet – CHU Angers
© Catherine Jouannet – CHU Angers
Chute, plaie, malaise… La nuit, lorsque les équipes sont réduites, les situations engendrant un transfert aux urgences sont fréquentes en EHPAD. Pourtant ces déplacements, qui surviennent souvent en nuit profonde – soit entre minuit et 7h du matin –, génèrent un stress non négligeable chez le résident et le personnel soignant, et surtout, ne sont pas toujours nécessaires. « 40 à 50 % des hospitalisations en nuit profonde pourraient être différées chez les personnes âgées, pour leur proposer des soins sur leur lieu de vie le lendemain », estime ainsi le CHU d’Angers. Aussi, dans le Maine-et-Loire, les médecins coordonnateurs des EHPAD, ainsi que les urgentistes et les gériatres du CHU d’Angers, ont cherché une solution.

Début mars, un dispositif de visio-régulation nocturne, associé à une mallette de soins d’urgences, a été mis en place dans plusieurs établissements volontaires du département. « Ce projet, soutenu par l’ARS Pays de la Loire et destiné aux personnels soignants et non soignants des EHPAD, a vocation à améliorer la régulation des patients âgés, à les soulager quand cela est possible, mais aussi à limiter et différer leur transfert en pleine nuit aux urgences hospitalières », résume le CHU.
 

Une mallette d’urgence standardisée

Les professionnels d’une structure médico-sociale bénéficient ainsi d’un accompagnement en temps réel par les équipes du SAMU - Centre 15 pour la réalisation des premiers soins. « Comme lorsqu’un parent est invité par le médecin régulateur à donner du paracétamol à son enfant malade, il pourra être demandé aux professionnels d’une structure médico-sociale d’administrer un médicament contenu dans la mallette de soins d’urgence, sous l’œil du régulateur », indique le Dr Delphine Douillet, MCU-PH en médecine d’urgence au CHU d’Angers.

Pour « faciliter les prescriptions par le médecin régulateur hospitalier », le contenu des mallettes a d’ailleurs été standardisé, comme le souligne le Dr Marine Asfar, gériatre au CHU d’Angers et médecin coordonnateur de l’EHPAD et USLD Saint-Nicolas. « L’on y trouve des médicaments et produits pour réaliser des soins simples, par exemple des compresses et du désinfectant, mais aussi des antidouleurs, allant du paracétamol jusqu’à la morphine si besoin », détaille-t-elle. S’y ajoutent des molécules plus spécifiques, pour améliorer la respiration, accélérer la coagulation, limiter les nausées… Sur les 129 EHPAD du département, une dizaine d’établissements, essentiellement ceux ayant participé aux travaux autour de la mise en place de cette viso-régulation nocturne, est déjà équipée. D’autres structures devraient suivre, chaque EHPAD se joignant à la démarche étant tenu de récupérer la liste des composants de la mallette pour la constituer ensuite avec sa pharmacie de référence.
Le Pr Dominique Savary, chef du Département de Médecine d’urgence (CHU Angers) ; le Dr Marine Asfar, gériatre et médecin coordonnateur (CHU d’Angers et EHPAD Saint-Nicolas) et le Dr Delphine Douillet, médecin urgentiste (CHU Angers). © Catherine Jouannet – CHU Angers
Le Pr Dominique Savary, chef du Département de Médecine d’urgence (CHU Angers) ; le Dr Marine Asfar, gériatre et médecin coordonnateur (CHU d’Angers et EHPAD Saint-Nicolas) et le Dr Delphine Douillet, médecin urgentiste (CHU Angers). © Catherine Jouannet – CHU Angers

Une initiative inspirée du secours en Haute-Montagne

Grâce à cette mallette et à la visio-régulation associée, les équipes angevines comptent bien améliorer le parcours de soins des résidents en EHPAD, en « limitant les transferts évitables », d’autant que « la population des EHPAD est particulièrement fragile et donc plus susceptible de développer des complications potentielles lors des transferts hospitaliers », insiste la gériatre. Elle a d’ailleurs elle-même participé à la constitution du projet, en sein d’un groupe de travail créé dès 2021 sur le modèle des réunions de médecins coordonnateurs en EHPAD, également organisés par la délégation territoriale de l’ARS du Maine-et-Loire, et associant le SAMU 49.

« En 2019, l’arrivée du Pr Dominique Savary à la tête du département de médecine d’urgence du CHU d’Angers a permis d’impulser le projet et d’initier une forte dynamique au sein de ce groupe de travail », constate Isabelle Monnier, directrice de la délégation territoriale de l’ARS dans le département. Auparavant en poste au CH d’Annecy, le Pr Dominique Savary s’est plus particulièrement inspiré d’un dispositif de visio-régulation mis en place depuis 2010 en Auvergne-Rhône-Alpes, pour répondre au problème des transferts et hospitalisations des personnes en refuges de haute montagne. « Une première évaluation avait montré que 58 % des transferts aux urgences étaient annulés ou différés suite à la mise en place de cette démarche », indique le Dr Delphine Douillet.
© Catherine Jouannet – CHU Angers
© Catherine Jouannet – CHU Angers

Trois canaux de formation pour les EHPAD

Transposée aux EHPAD du Maine-et-Loire, cette initiative s’accompagne également d’un important volet de formation destiné au personnel de ces établissements, qui peut ainsi acquérir « les bons réflexes pour communiquer efficacement avec le médecin régulateur du SAMU, donner les bonnes informations et connaitre parfaitement la trousse d’urgence, composante essentielle de ce dispositif nocturne », complète le Pr Dominique Savary. Trois modalités ont ici été retenues : le e-learning, à travers la mise à disposition de courtes vidéos centrées sur la visio-régulation et le contenu de la trousse d'urgence ; la formation sur site par les médecins coordonnateurs de l’établissement ; et l’adaptation d’un module pédagogique à partir de la procédure de renouvellement de l’attestation aux gestes et soins d’urgence, elle-même dispensée par les urgentistes du Centre d’Enseignement des Soins d’Urgences (CESU) du CHU d’Angers.

« Ces différents niveaux de formation visent à favoriser une bonne utilisation des outils mis à disposition des EHPAD, et donc le bon fonctionnement de la visio-régulation nocturne », explique le Dr Delphine Douillet en précisant qu’une étude est d’ores et déjà prévue pour évaluer le dispositif, qui a dès le départ été adossé à un projet de recherche. L’objectif ? Apprécier son efficacité globale, mais aussi celle de ses différentes composantes pour « l’améliorer et le perfectionner » au fil de l’eau.

Article publié dans le numéro d'avril d'Ehpadia à consulter ici