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La vaccination, « une stratégie de prévention essentielle » en EHPAD


Publié le Vendredi 16 Mai 2025 à 13:57

Enjeu de santé publique majeur, la prévention du risque infectieux en EHPAD repose sur des leviers essentiels pour protéger les résidents tout en préservant leur qualité de vie. Nous faisons le point avec le Professeur Jean-Winoc Decousser (hôpital Henri Mondor, AP-HP), membre du Conseil d'administration et du Conseil scientifique de la Société française d'hygiène hospitalière (SF2H), qui nous présente également les temps forts du prochain congrès national.


Quels sont, selon vous, les principaux enjeux en matière de prévention du risque infectieux dans les EHPAD ?

Pr Jean-Winoc Decousser : Le principal enjeu est de faciliter l'accès à l'expertise en prévention du risque infectieux, dans un contexte où les ressources sont contraintes. Ce besoin devient d'autant plus crucial avec le vieillissement de la population. Les pouvoirs publics semblent avoir pris la mesure de cette problématique, en favorisant notamment la création de postes d'infirmiers mobiles (IMH) en hygiène par les agences régionales de santé – une dynamique renforcée par la crise Covid. Les équipes mobiles d'hygiène comportant des IMH et du temps médical dédié apportent un appui crucial aux EHPAD, tant pour la gestion des situations d'urgence que pour la mise en place de stratégies de prévention durables. Leur expertise est également essentielle pour encadrer l'adoption de nouvelles pratiques et technologies.

Pourriez-vous préciser ce point ?

Comme dans le secteur sanitaire, le secteur médico-social est souvent sollicité par les industriels pour intégrer des solutions présentées comme plus écologiques et/ou économiques. Cependant, leur efficacité et leur innocuité doivent être rigoureusement évaluées avant leur adoption. Bien qu'ils consomment très peu d'eau, les systèmes de douches hydro-moléculaires ne sont par exemple pas adaptés à toutes les situations. De la même manière, le remplacement des détergents-désinfectants par de l'eau ozonée est certes prometteur d'un point de vue écologique, mais présente certaines limites. Cette méthode fera d’ailleurs prochainement l’objet d’un avis par la SF2H. En somme, il faut être ouvert aux avancées technologiques tout en conservant une approche prudente et scientifique, car l’objectif premier doit rester la sécurité des résidents en EHPAD.

Un autre enjeu majeur concerne la promotion de la vaccination.

Absolument. La crise du Covid a mis en lumière la facilité de transmission des micro-organismes en EHPAD et la vulnérabilité des résidents face aux infections respiratoires. Pourtant, il n'est pas envisageable de leur imposer des restrictions sociales pour les protéger. La vaccination s'impose donc comme une stratégie de prévention essentielle, permettant de limiter la transmission tout en préservant le lien social. L'offre vaccinale s'est d’ailleurs élargie avec les vaccins contre le virus respiratoire syncytial (VRS) et de nouvelles formulations contre le pneumocoque. Si nous parvenons à vacciner l'ensemble des résidents contre la grippe, le Covid, le VRS et le pneumocoque, nous pourrons considérablement réduire les infections virales et les surinfections bactériennes potentiellement mortelles.

La vaccination contre le VRS a fait l'objet d'un avis récent. Pourriez-vous nous en parler ?

Responsable de la bronchiolite chez les nourrissons, le VRS peut également causer des infections respiratoires sévères chez les personnes âgées. Les pouvoirs publics ont, à juste titre, largement soutenu la vaccination passive des nouveau-nés, ce qui a eu un impact positif sur les hospitalisations en pédiatrie. Mais rien n'est prévu pour les personnes âgées, alors que trois vaccins sont déjà utilisés aux États-Unis. En France, leur accès est freiné par des négociations tarifaires. Face à cette situation, la SF2H, en collaboration avec la Société française de gériatrie et de gérontologie (SFGG), la Société française de microbiologie (SFM), la Société de pneumologie de langue française (SPLF) et la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF), a émis un avis appelant à une stratégie vaccinale spécifique pour cette population.

Qu'en est-il de la vaccination contre la grippe ?

Nous disposons aujourd'hui de vaccins de nouvelle génération offrant une efficacité accrue chez les personnes âgées. Malheureusement, leur accès reste lui aussi limité en raison de discussions tarifaires non abouties. Un autre enjeu majeur est l'adhésion à la vaccination, qui sera d'ailleurs abordée lors de la session internationale du prochain congrès de la SF2H. La lassitude face aux campagnes vaccinales est compréhensible, mais en réalité, il ne s'agit que d'une ou deux injections par an pour se prémunir contre des infections graves. Le bénéfice est incontestable ! Il faut donc renforcer la sensibilisation des résidents, de leurs familles et des équipes soignantes en EHPAD, chez qui par exemple l'adhésion à la vaccination antigrippale reste insuffisante. 

Justement, comment mobiliser les professionnels de santé ? 

La clé réside dans la formation et l’information. Et cela ne concerne pas uniquement la vaccination. L’application rigoureuse des précautions standard d’hygiène, comme le port des équipements de protection individuelle, est un levier essentiel pour limiter les transmissions croisées. Savez-vous, par exemple, que les aides-soignants en gériatrie sont parmi les personnels de santé les plus touchés par le Covid nosocomial ? Ils assurent des soins prolongés auprès de patients parfois agités, pour qui le port du masque est difficile. Il est donc crucial d’adapter nos actions en leur direction, en combinant formations classiques et supports pédagogiques interactifs pour toucher un public plus large. La SF2H, qui réunit médecins et infirmiers, pourrait renforcer son implication auprès de ces professionnels de première ligne.

Un mot pour conclure sur le prochain congrès national de la SF2H, qui se tiendra du 4 au 6 juin à Marseille ?

Cette édition 2025 mettra l’accent sur le partage d’expérience, avec plus de 1 700 participants et plus de 80 partenaires industriels attendus. L’intérêt scientifique est également en forte progression : nous avons reçu 380 soumissions d’abstracts cette année, contre 320 en 2024. Le programme s’articulera autour de quatre thématiques majeures : la prévention du risque infectieux chez le nouveau-né et la personne âgée, deux populations particulièrement vulnérables ; la prévention des infections du site opératoire, avec un point sur les nouvelles recommandations ; les soins écoresponsables, un sujet en plein essor mais qui nécessite une réelle réflexion sur la balance bénéfice-risque ; enfin, la tuberculose, qui reste un enjeu de santé publique majeur en lien avec les infectiologues. Six prix seront également décernés pour récompenser les meilleures contributions, aussi bien du côté médical que paramédical, ainsi qu’une bourse de recherche en soins paramédicaux. Il s’agira donc, cette année encore, d’un rendez-vous incontournable pour faire progresser la prévention du risque infectieux et la sécurité des patients !

> Plus d’informations sur https://www.sf2h.net

> Article paru dans Ehpadia #39, édition d’avril 2025, 
à lire ici 
 




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