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Quels nouveaux enjeux pour les EHPAD ?


Publié le Mardi 31 Octobre 2023 à 10:41

En cette rentrée et à quelques jours du début de l’examen du PLFSS en séance publique au sein de l'Assemblée nationale, nous avons souhaité faire le point sur la situation dans les EHPAD et les enjeux qui sous-tendent le secteur, en laissant la parole aux représentants de la FNADEPA, de l’AD-PA et du SYNERPA.


50 % des directeurs d’établissements et services pour personnes âgées interrogés par la FNADEPA envisagent de quitter leur métier à court ou moyen terme. Si l’on s’en réfère à l’enquête flash menée en septembre auprès des adhérents de la fédération, autant dire que le moral n’est pas vraiment au beau fixe dans le secteur de l’accompagnement du grand âge. Et force est de constater que les difficultés auxquelles sont confrontés les établissements, notamment financières, n’ont cessé de s’accroître ces dernières années. 

Seule lumière toute relative au tableau dressé par la FNADEPA, alors que 89 % des structures indiquaient manquer de personnels en octobre 2022, ce chiffre s’élève désormais à 78 %, soit l’amorce d’une légère amélioration. Un constat que Jean-Christophe Amarantinis, président du SYNERPA, souhaite néanmoins nuancer au regard des remontées issues de ses propres adhérents. « Si nous pouvons peut-être constater un peu de mieux pour ce qui est des infirmiers, les tensions s’aggravent sur les postes de médecins et d’aides-soignants. Et phénomène nouveau, nous commençons aussi à ressentir des difficultés du côté des personnels administratifs, de restauration, mais aussi des agents d’entretien ».
 

Inflation et effet ciseaux

Côté finances en revanche, le constat s’avère unanimement partagé. Jamais la situation n’a été aussi préoccupante et nombre d’établissements estiment qu’ils seront déficitaires à la fin de leur exercice 2023*. Pour la première fois, le secteur privé commercial ne semble d’ailleurs pas épargné. « Tous les jours, des adhérents nous appellent en demandant de l’aide », témoigne ainsi Jean-Christophe Amarantinis. « Un directeur me disait dernièrement qu’il ne lui restait plus que 5000 € sur son compte, mais qu’il n’était pas éligible au fonds d’urgence. Beaucoup de gestionnaires n’arrivent plus à trouver de solutions », abonde Annabelle Vêques, directrice générale de la FNADEPA. 

La faute à une inflation non compensée par les dotations – ces dernières n’ayant augmenté que de 1,97 % en 2022 contre 7,7 points d’inflation – et à une stagnation des revenus entrainant un « effet ciseaux » entre dépenses et recettes des établissements. Pour ne rien arranger, les EHPAD, et a fortiori ceux relevant du secteur privé, doivent composer avec un déficit d’image. « Nous sommes aujourd’hui dans un scénario inédit. Alors que le secteur fait énormément d’efforts pour améliorer son image, au travers notamment de l’adoption de notre charte d’engagements**, nous avons perdu 5 points d’activité entre 2019 et aujourd’hui. C’est énorme et cela déstabilise l’économie de nos structures déjà fragilisées », précise le président du SYNERPA.

Réforme tarifaire

Pour Pascal Champvert, président de l’AD-PA, une pointe d’espoir réside néanmoins dans le fait que certaines directions n’hésitent plus à assumer leurs déficits. « Lors d’une réunion, un directeur me disait qu’il avait le choix entre deux mauvaises options : le déficit ou la maltraitance. Alors aujourd’hui, si une majorité d’établissements sont en déficit, c’est que les directeurs et conseils d’administration refusent de baisser la qualité de leur accompagnement ». « Ce ne sont pas les directeurs qui ne savent pas gérer, mais les pouvoirs publics qui ne savent pas financer. Nous sommes arrivés au bout d’un système tarifaire », poursuit le président de l’association qui n’a d’ailleurs pas hésité à épingler les départements « qui méprisent les conditions de vie » des personnes âgées, et vise la création d’un Observatoire sur la question.

Dans ce contexte de fortes tensions financières, l’annonce, fin septembre, de la mise en place de Commissions départementales de suivi des ESSMS en difficultés financières, et le fonds d’urgence de 100 M€ assorti, ont évidemment été accueillis avec soulagement. Même si cette bouffée d’oxygène reste perçue comme insuffisante. « Vu l’ampleur de la situation, il faudrait 4 à 5 fois plus. Mais surtout nous ne pouvons plus nous contenter de plans d’urgence. Quelles seront les capacités de l’État à faire face quand il y a aura 5 000 EHPAD en grande difficulté financière ? », interroge Annabelle Vêques, évoquant au passage la volonté partagée d’une véritable réforme structurelle du modèle tarifaire actuel. 

Ainsi, outre une augmentation globale des finances et des ratios de personnels, Jean-Christophe Amarantinis plaide notamment pour une simplification réglementaire. « Avec les injonctions paradoxales, aujourd’hui, les résidents et les salariés ne s’y retrouvent pas. Il faut vraiment aller vers un guichet unique pour instaurer plus de simplicité et de fluidité », développe-t-il, tout en saluant la réflexion engagée sur une éventuelle fusion des forfaits soins et dépendance. 

S’adapter aux nouvelles attentes

Mais au-delà de l’échec d’un modèle tarifaire, les EHPAD vivent actuellement une véritable crise de sens selon Pascal Champvert. « C’est un modèle sécuritaire dépassé, qui a été créé pour rassurer les familles et les professionnels. Personne ne veut vivre dans un hôpital ou dans une clinique », rappelle le président de l’AD-PA, enjoignant les représentants du secteur et les pouvoirs publics à oeuvrer pour plus de citoyenneté au sein des établissements. « C’est le véritable enjeu de demain » et la condition de parvenir au virage domiciliaire, tel que décrit par la CNSA dans le chapitre 2 de sa démarche prospective 2018-2020, « le grand texte de ces dernières années », précise-t-il.

Le concept d’EHPAD plateforme offrant un bouquet de services et une approche plus personnalisée semble donc la voie privilégiée pour parvenir à coller aux souhaits d’une population âgée grandissante. Mais comme le souligne Jean-Christophe Amarantinis, les attentes des salariés ne devront pas non plus être oubliées. « Il nous faudra mener une réflexion avec l’ensemble du secteur afin de nous adapter aux aspirations des nouvelles générations, car ces dernières ont un rapport au travail différent de celui de leurs aînés. Le temps du sacerdoce est terminé ». Une réflexion qui devra selon lui passer par la redéfinition des rythmes professionnels, mais également par la question de la rémunération pour que celle-ci « soit enfin en conformité avec la pénibilité des métiers ».

*92,3 % pour les adhérents de la FNADEPA, et plus de la moitié pour ceux du SYNERPA.
**Charte d’engagements des acteurs privés du Grand Âge.

Plus d’informations :
- Enquête flash RH et finances de la FNADEPA
- 8 actions impératives pour le Grand Âge 
« PLFSS 2024 : Les mesures indispensables pour sauver le secteur du Grand Âge » 
- Charte des acteurs privés du Grand Âge  
Démarche Citoyennâge  


Article publié dans l'édition d'octobre d'Ehpadia à lire ici.
 



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