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20 ans sous l’œil de MDRS


Publié le Mercredi 5 Février 2025 à 14:57

Si le palmarès et le concours MDRS sont en quelque sorte devenus notre « marronnier » de janvier, le cru 2025 marque une étape particulière. Car cela fait 20 ans que les représentants du site visitent, notent et mettent en valeur ce qui se fait de meilleur au sein des établissements accueillant des personnes âgées. Cet anniversaire nous a semblé l’occasion idoine d’interroger David Jacquet, son fondateur, sur les évolutions du secteur. Un jeu auquel il s’est volontiers prêté, accompagné de Pascal Bossu, directeur général de T-Orem Consulting, un cabinet de conseil en stratégie commerciale et marketing dédié au secteur médico-social (et également membre du jury du concours MDRS aux côtés d’Ehpadia), pour une mise en perspective complémentaire.


En 2005 naissait l’aventure MDRS avec la création du premier Guide de la dépendance. Quels étaient alors vos objectifs ?

David Jacquet : C’est à la suite de la canicule de 2003 et de la crise qui en a découlé dans le secteur médico-social, que nous avons eu l’idée, avec un journaliste de France Info, de lancer un guide des maisons de retraite. Un peu sur le modèle du guide Michelin, et par le biais de visites anonymes, l’objectif était de mettre en lumière avec notre regard d’aidant, les conditions d’accueil de chaque structure, sur la base de dix critères très simples tels que l’environnement, la propreté, les services proposés, etc.

À l’époque, quels constats avez-vous faits ?

David Jacquet : Nous étions alors peu de temps après la réforme de 2002* et très clairement le constat général n’était pas bon, avec un parc public et associatif globalement obsolète. Le privé était quant à lui composé de quelques groupes de peu d’envergure et d’une majorité d’exploitants particuliers à la tête de petites structures familiales de piètre qualité, proposant notamment des chambres sans douche et hors de prix. Au moment de notre démarrage dominaient également de véritables inégalités entre départements. Si nous avions par exemple remarqué les nombreux efforts menés en Corrèze pour proposer des structures refaites à neuf, l’inverse était de mise dans la Creuse voisine. Enfin, dernier constat, alors que nous pensions trouver les plus beaux établissements dans les grandes agglomérations, nous avons découvert de magnifiques structures dans des communes totalement reculées, résultats du combat de quelques directeurs particulièrement engagés.

20 ans plus tard, comment les choses ont-elles évolué ?

David Jacquet : Côté départements, malgré les différences de financements qui peuvent perdurer, force est de constater les efforts engagés pour tendre vers une égalisation de l’offre. Plus globalement, en 20 ans nous n’avons cessé de voir le parc s’améliorer, avec désormais des établissements privés de haut standing – et qui le font payer – ; des publics autonomes et associatifs également de très grande qualité conservant des tarifs acceptables ; et enfin, des structures rattachées à des centres hospitaliers qui ont su, elles aussi, apporter tout le confort de la modernité, bien qu’ayant encore du mal à se départir de l’ambiance hospitalière qui les a toujours caractérisées. Comme je le dis souvent, le standing des établissements neufs ou réhabilités que nous sommes amenés à visiter chaque année est désormais arrivé à son apogée. Se pose maintenant la question de l’entretien de ces magnifiques structures, et c’est là que nous percevons aujourd’hui les principales différences, notamment entre le public et le privé.

Pascal Bossu : Étant arrivé dans le secteur à peu près à la même époque que David, je partage ses constats dans les grandes lignes. Il me semble cependant que nous vivons, depuis 3-4 ans, une époque un peu différente de celle de ces 20 dernières années, et ce, tous secteurs confondus. Paradoxalement, alors que les nouveaux établissements paraissent toujours plus beaux, l’hôtellerie et la qualité perçue des bâtiments existants font parfois défaut, ce qu’au regard des tarifs pratiqués, les clients, familles ou prospects ont du mal à comprendre.

Comment expliquez-vous cette tendance ?

Pascal Bossu : Je dirais que la rentabilité et l’équilibre financier du secteur impliquent des contreparties désormais difficiles à juguler, au regard de l’importante baisse de fréquentation observée depuis cinq ans. Et se baser sur la pyramide des âges pour assurer un taux d’occupation en adéquation avec les objectifs financiers de départ ne semble visiblement pas suffisant. À cela s’ajoute le poids de loyers difficilement renégociables, l’inflation, ou encore la hausse des prix de l’énergie qui viennent grever les budgets. De quoi me faire dire qu’il serait temps de revenir à une forme de rationalité, sans pour autant perdre le sens de l’innovation. De même, il aurait certainement été judicieux, il y a maintenant une bonne dizaine d’années, de « gammer » l’offre, à l’instar du monde hôtelier. Cela aurait permis de donner un peu de relief à des parcs qui dépassent pour la plupart les 50 établissements mais pratiquent, à quelques exceptions et détails près, un standard unique.

David Jacquet : Je confirme et compléterais en disant que certains ont vu dans le développement du haut standing un filon qui n’est malheureusement pas en adéquation avec les moyens de la grande majorité des Français. Beaucoup de groupes se retrouvent donc en difficulté, avec des structures qui n’ouvrent pas faute de remplissage, ce qui est particulièrement vrai pour les résidences services seniors. Nous en sommes rendus à une crise de l’investissement et ce qui devrait être fait en termes de développement ne peut plus l’être, sauf à obliger les groupes à vendre pour disposer de liquidités.

Une autre des difficultés du secteur repose sur le déficit d’image dont il pâtit, et ce, malgré la modernisation du parc que vous évoquiez. Quelle lecture faites-vous de ce sujet précis ?

David Jacquet : Depuis l’invention du terme « or gris » pour évoquer le privé il y a une vingtaine d’années, l’image des établissements n’a cessé d’être instrumentalisée à des fins politiques ou idéologiques, et par la même occasion de se dégrader. En parallèle, la perpétuelle image négative renvoyée par certains acteurs du secteur sous couvert de dénoncer la crise qui le traverse, ne fait, à mon sens, qu’entretenir un cercle vicieux. Les dotations manquent et leur combat est bien évidemment légitime, mais nous le savons, à moins d’en passer par un arbitrage budgétaire douloureux, l’État n’a clairement pas les moyens de sortir les 10 à 15 milliards d’euros qui seraient nécessaires chaque année. Il faut donc arrêter cet autodénigrement qui a pour seule conséquence d’encourager encore un peu plus le rejet du grand public tout en faisant les choux gras des médias. Je prends par exemple le suivi du rapport de la Défenseure de droits, repris par la presse entière en janvier 2023, sans aucune mise en perspective. Car si l’on s’attarde sur les chiffres, ce dernier s’appuie sur 280 réclamations reçues en 20 mois, soit seulement 0,0004% des plus de 700 000 personnes fréquentant un établissement d’hébergement pour personnes âgées ! De plus pour des cas de maltraitance qui n’étaient pas toujours avérés. Face à la déferlante des scandales médiatiques, tout le secteur, et les groupes en particulier, ont de leur côté préféré arrêter de communiquer. Même pour montrer le positif.

Changer l’image du secteur est justement l’une des ambitions du concours MDRS. Pensez-vous pouvoir y parvenir ?

David Jacquet : En effet, si avec le palmarès nous notions les murs, l’idée du concours est de s’intéresser un peu plus à l’âme des établissements et à tout ce qu’ils peuvent mettre en place pour leurs résidents. C’est aussi un moyen supplémentaire de donner une autre image que celle des mouroirs, qui leur colle à la peau. Comme je le dis souvent, tous les participants, même ceux qui ne gagnent pas de prix, contribuent à véhiculer une vision positive du secteur. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous sommes toujours étonnés lorsque des groupes refusent de s’engager dans cette démarche-là.

Pascal Bossu : Il s’agit effectivement d’un vrai sujet. Et peut-être que le déficit d’adhésion du grand public que l’on observe actuellement vient aussi un peu de là. En tant que jury du concours, nous retrouvons parfois les mêmes établissements d’une année sur l’autre, et cela montre bien qu’il y a des équipes à vocation, mais aussi que certains groupes ont compris l’importance de leur image. Donc même si les 150 dossiers reçus cette année représentent un incroyable succès pour MDRS, je reste persuadé qu’il devrait y en avoir beaucoup plus. Je me permets un parallèle : quand dans les années 1990, le secteur de la pêche était en difficulté, nous avons vu fleurir des panneaux publicitaires « mangez du poisson, c’est bon ». Idem lors de la crise de la vache folle. Là, le secteur prend coup sur coup et je suis au regret de dire que, hormis le concours MDRS, il n’existe que trop peu d’initiatives pour montrer que la très grande majorité des EHPAD ne sont pas à l’image de ce qu’il en ressort dans les médias. Voilà aussi pourquoi ce genre d’évènement mériterait d’être bien plus largement diffusé.

*Loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale.

- Découvrez l’intégralité du palmarès et du concours MDRS 2024-2025 sur https://www.maison-retraite-selection.fr/palmares-MDRS-des-meilleures-maisons-de-retraite

> Article paru dans Ehpadia #38, édition de janvier 2025, à lire ici 
 

Les lauréats du palmarès MDRS 2024 côté EHPAD
 
Catégorie Meilleur EHPAD de l’année
Trophée d’or : Domidep Résidence La Forêt - Vineuil-Saint-Firmin (60)
Trophée d’argent (ex æquo) : Résidence Korian Champ-de-Mars - Paris 15 (75) et Résidence L’Assomption emeis - Paris 16 (75)
Trophée de bronze : Résidence Villa Louise (DomusVi) - Vert-Saint-Denis (77)
 
Catégorie Meilleur rapport qualité-prix
Trophée d’or : EHPAD La Joncière - Boussay (44)
Trophée d’argent : EHPAD Château du Poitou (Groupe SOS Seniors) - Villevaude (77)
Trophée de bronze : EHPAD du CH Saint-Jacques - Les Andelys (27)
 
Catégorie Meilleur Groupe : emeis



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