Élise Proult et Caroline Martinaud, auteures des deux rapports de l'ANAP sur la mutualisation des IDE et l'hébergement temporaire. ©DR
Dans quel contexte ces deux publications ont-elles vu le jour ?
Élise Proult : Elles font suite à l’accompagnement offert depuis 2013 par l’ANAP aux 18 territoires engagés dans le programme PAERPA. L’Agence s’est régulièrement réunie avec les référents PAERPA des Agences Régionales de Santé pour réaliser des retours d’expérience, d’abord autour de la démarche projet, puis de la coordination territoriale, du pilotage des équipes mobiles de gériatrie, de l’autodiagnostic des filières gériatriques hospitalières, etc. De nombreux sujets ont été appréhendés en lien étroit avec les acteurs sanitaires, médico-sociaux et sociaux, les professionnels de ville, les services de soins à domicile, et tous ceux impliqués dans la prise en charge et l’orientation des personnes âgées. Dans la continuité de ces travaux, l’ANAP s’est penchée en 2019 sur la mutualisation d’IDE de nuit et l’hébergement temporaire.
Caroline Martinaud : Ces actions sont en effet assez bien partagées par les neuf premiers territoires pilotes PAERPA. Il y avait donc matière à réflexion. Nous nous sommes rendus dans les territoires concernés, à la rencontre des professionnels en EHPAD et de leurs partenaires. À partir de ces échanges, mais aussi des données quantitatives recueillies dans le cadre du programme PAERPA et des ressources documentaires produites par les établissements eux-mêmes, nous avons pu identifier un certain nombre d’enseignements que nous avons compilés dans deux publications. Comme pour chaque production de l’ANAP, il ne s’agissait pas d’évaluer un dispositif en tant que tel, mais de se pencher sur sa mécanique de mise en œuvre, d’en décrire les leviers et les freins, afin que d’autres établissements et territoires puissent s’en inspirer.
Commençons par la mutualisation d’IDE de nuit en EHPAD. Quels ont été vos principaux constats sur le terrain ?
Caroline Martinaud : Nous y avons plus particulièrement observé deux modèles : la garde de nuit mutualisée, où l’IDE est postée au sein de l’établissement porteur lorsqu’elle n’est pas sollicité par les EHPAD bénéficiaires pour des interventions urgentes ou programmées ; et l’astreinte, lorsque l’IDE est à son domicile mais peut être mobilisée sur sollicitation d’un EHPAD. Les deux dispositifs partagent des avantages, comme la sécurisation des équipes de nuit et la diminution des hospitalisations nocturnes. La garde mutualisée offre, elle, un bénéfice additionnel comme la possibilité d’une prise en charge de la fin de vie au sein de l’établissement porteur.
Quiddes leviers et freins ?
Caroline Martinaud : La difficulté majeure, quel que soit le modèle, réside dans la mobilisation des IDE. Cela est d’autant plus vrai dans le cas des astreintes, avec la complexité du temps de récupération et les faibles rémunérations offertes par certaines conventions collectives. Autre point bloquant : le profil recherché est un profil expert, alors qu’il s’agit d’une expérimentation et donc d’un contrat précaire. Le recrutement sur un tel poste peut donc être difficile. En termes de leviers, je retiendrais plus particulièrement la nécessité d’une bonne communication entre l’IDE et les équipes de l’EHPAD, qui peuvent ainsi mieux se connaître, et la formalisation des procédures afin que l’IDE de nuit soit sollicitée à bon escient. En tout état de cause, ce dispositif est désormais inscrit dans le droit commun, et son déploiement fait l’objet d’une circulaire.*
Qu’en est-il du second dispositif étudié, l’hébergement temporaire en EHPAD ?
Élise Proult : Celui-ci existe déjà dans le droit commun, mais était peu mobilisé en sortie d’hospitalisation. Il concerne les personnes de 75 ans et plus dont l’hospitalisation n’est plus justifiée sur le plan médical, mais qui ne peuvent pas encore retourner à leur domicile, par exemple le temps d’adapter le logement. Elles peuvent donc être temporairement accueillies en EHPAD pour des séjours inférieurs à 30 jours. Le programme PAERPA a plus particulièrement expérimenté l’apport d’un financement complémentaire afin de limiter le reste à charge des familles – pour lesquelles le poids financier représente en effet le principal frein. Initialement ciblé sur les sorties d’hospitalisation, le recours à l’hébergement temporaire a été élargi dans la plupart des territoires pilotes à d’autres situations comme la défaillance de l’aidant.
Caroline Martinaud : Les retours d’expérience compilés par l’ANAP montrent l’impact globalement positif de ce dispositif sur les EHPAD, en particulier ceux qui ne proposaient pas, jusque-là, d’hébergement temporaire. Les équipes ont par exemple dû réfléchir à la sortie du résident, ce qui est pour elles quelque peu inhabituel. Elles y ont trouvé une nouvelle source de motivation, par exemple pour adapter le fonctionnement interne et repenser certains processus comme les admissions.
Quelles ont été ici vos principales observations ?
Caroline Martinaud : D’abord, l’importance du contexte local : si tous les EHPAD du territoire sont saturés, il semble difficile de proposer un hébergement temporaire. Ensuite, il est impératif que les EHPAD ayant développé ce type de service se positionnent en ce sens et communiquent en amont auprès des établissements de santé, qui orientent les patients potentiellement concernés, et en aval auprès des professionnels de ville, qui prendront le relais à la sortie du résident.
Élise Proult : Cette publication a en tous cas mis en lumière les facteurs facilitants et les points bloquants pour la mise en œuvre d’une offre d’hébergement temporaire, ainsi que les apports de ce type de dispositif. Elle peut à ce titre alimenter la réflexion nationale autour des expérimentations PAERPA, en particulier dans le cadre de la future Loi Grand Âge et Autonomie.
Mutualisation d’IDE de nuit en EHPAD – Retour d’expérience des territoires PAERPA et L’hébergement temporaire en EHPAD – Retour d’expérience des territoires PAERPA, ANAP, mars 2019. À consulter sur www.anap.fr.
* Circulaire N° DGCS/SD5C/DSS/SD1A/CNSA/DESMS/2018/121 du 15 mai 2018 relative aux orientations de l’exercice 2018 pour la campagne budgétaire des établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes handicapées et des personnes âgées.
Élise Proult : Elles font suite à l’accompagnement offert depuis 2013 par l’ANAP aux 18 territoires engagés dans le programme PAERPA. L’Agence s’est régulièrement réunie avec les référents PAERPA des Agences Régionales de Santé pour réaliser des retours d’expérience, d’abord autour de la démarche projet, puis de la coordination territoriale, du pilotage des équipes mobiles de gériatrie, de l’autodiagnostic des filières gériatriques hospitalières, etc. De nombreux sujets ont été appréhendés en lien étroit avec les acteurs sanitaires, médico-sociaux et sociaux, les professionnels de ville, les services de soins à domicile, et tous ceux impliqués dans la prise en charge et l’orientation des personnes âgées. Dans la continuité de ces travaux, l’ANAP s’est penchée en 2019 sur la mutualisation d’IDE de nuit et l’hébergement temporaire.
Caroline Martinaud : Ces actions sont en effet assez bien partagées par les neuf premiers territoires pilotes PAERPA. Il y avait donc matière à réflexion. Nous nous sommes rendus dans les territoires concernés, à la rencontre des professionnels en EHPAD et de leurs partenaires. À partir de ces échanges, mais aussi des données quantitatives recueillies dans le cadre du programme PAERPA et des ressources documentaires produites par les établissements eux-mêmes, nous avons pu identifier un certain nombre d’enseignements que nous avons compilés dans deux publications. Comme pour chaque production de l’ANAP, il ne s’agissait pas d’évaluer un dispositif en tant que tel, mais de se pencher sur sa mécanique de mise en œuvre, d’en décrire les leviers et les freins, afin que d’autres établissements et territoires puissent s’en inspirer.
Commençons par la mutualisation d’IDE de nuit en EHPAD. Quels ont été vos principaux constats sur le terrain ?
Caroline Martinaud : Nous y avons plus particulièrement observé deux modèles : la garde de nuit mutualisée, où l’IDE est postée au sein de l’établissement porteur lorsqu’elle n’est pas sollicité par les EHPAD bénéficiaires pour des interventions urgentes ou programmées ; et l’astreinte, lorsque l’IDE est à son domicile mais peut être mobilisée sur sollicitation d’un EHPAD. Les deux dispositifs partagent des avantages, comme la sécurisation des équipes de nuit et la diminution des hospitalisations nocturnes. La garde mutualisée offre, elle, un bénéfice additionnel comme la possibilité d’une prise en charge de la fin de vie au sein de l’établissement porteur.
Quiddes leviers et freins ?
Caroline Martinaud : La difficulté majeure, quel que soit le modèle, réside dans la mobilisation des IDE. Cela est d’autant plus vrai dans le cas des astreintes, avec la complexité du temps de récupération et les faibles rémunérations offertes par certaines conventions collectives. Autre point bloquant : le profil recherché est un profil expert, alors qu’il s’agit d’une expérimentation et donc d’un contrat précaire. Le recrutement sur un tel poste peut donc être difficile. En termes de leviers, je retiendrais plus particulièrement la nécessité d’une bonne communication entre l’IDE et les équipes de l’EHPAD, qui peuvent ainsi mieux se connaître, et la formalisation des procédures afin que l’IDE de nuit soit sollicitée à bon escient. En tout état de cause, ce dispositif est désormais inscrit dans le droit commun, et son déploiement fait l’objet d’une circulaire.*
Qu’en est-il du second dispositif étudié, l’hébergement temporaire en EHPAD ?
Élise Proult : Celui-ci existe déjà dans le droit commun, mais était peu mobilisé en sortie d’hospitalisation. Il concerne les personnes de 75 ans et plus dont l’hospitalisation n’est plus justifiée sur le plan médical, mais qui ne peuvent pas encore retourner à leur domicile, par exemple le temps d’adapter le logement. Elles peuvent donc être temporairement accueillies en EHPAD pour des séjours inférieurs à 30 jours. Le programme PAERPA a plus particulièrement expérimenté l’apport d’un financement complémentaire afin de limiter le reste à charge des familles – pour lesquelles le poids financier représente en effet le principal frein. Initialement ciblé sur les sorties d’hospitalisation, le recours à l’hébergement temporaire a été élargi dans la plupart des territoires pilotes à d’autres situations comme la défaillance de l’aidant.
Caroline Martinaud : Les retours d’expérience compilés par l’ANAP montrent l’impact globalement positif de ce dispositif sur les EHPAD, en particulier ceux qui ne proposaient pas, jusque-là, d’hébergement temporaire. Les équipes ont par exemple dû réfléchir à la sortie du résident, ce qui est pour elles quelque peu inhabituel. Elles y ont trouvé une nouvelle source de motivation, par exemple pour adapter le fonctionnement interne et repenser certains processus comme les admissions.
Quelles ont été ici vos principales observations ?
Caroline Martinaud : D’abord, l’importance du contexte local : si tous les EHPAD du territoire sont saturés, il semble difficile de proposer un hébergement temporaire. Ensuite, il est impératif que les EHPAD ayant développé ce type de service se positionnent en ce sens et communiquent en amont auprès des établissements de santé, qui orientent les patients potentiellement concernés, et en aval auprès des professionnels de ville, qui prendront le relais à la sortie du résident.
Élise Proult : Cette publication a en tous cas mis en lumière les facteurs facilitants et les points bloquants pour la mise en œuvre d’une offre d’hébergement temporaire, ainsi que les apports de ce type de dispositif. Elle peut à ce titre alimenter la réflexion nationale autour des expérimentations PAERPA, en particulier dans le cadre de la future Loi Grand Âge et Autonomie.
Mutualisation d’IDE de nuit en EHPAD – Retour d’expérience des territoires PAERPA et L’hébergement temporaire en EHPAD – Retour d’expérience des territoires PAERPA, ANAP, mars 2019. À consulter sur www.anap.fr.
Par Joëlle Hayek. Article paru dans Ehpadia #19 (avril 2020).
* Circulaire N° DGCS/SD5C/DSS/SD1A/CNSA/DESMS/2018/121 du 15 mai 2018 relative aux orientations de l’exercice 2018 pour la campagne budgétaire des établissements et services médico-sociaux accueillant des personnes handicapées et des personnes âgées.