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Blanchisserie

Les blanchisseries à l’ère du développement durable


Publié le Jeudi 19 Novembre 2020 à 09:17

Sensibilisées très tôt aux problématiques économiques et écologiques, les blanchisseries hospitalières adaptent régulièrement leurs process pour réduire leur impact sur l’environnement. Constituée autour du Centre Hospitalier d’Hyères, la Blanchisserie Inter-Hospitalière (BIH) du Var s’est pleinement emparée de ces enjeux depuis déjà plusieurs années, pour notamment réduire sa consommation d’eau et d’énergie, ou encore réfléchir à la provenance et au bon usage des produits textiles.


Philippe Carenco,  président de la Blanchisserie Inter-Hospitalière du Var. ©DR
Philippe Carenco, président de la Blanchisserie Inter-Hospitalière du Var. ©DR
Dans le monde de la santé et du médico-social, comme pour le reste de la population, les questions liées au développement durable et à l’impact environnemental des activités humaines s’intensifient et touchent tous les métiers, traduisant par là-même l’importance de ces problématiques sociétales. Si certains secteurs accusent encore un certain retard sur ce champ, d’autres ont d’ores-et-déjà identifié leurs marges d’amélioration potentielles, tant sur le plan écologique qu’économique. Grandes consommatrices d’eau et d’énergies en tous genres, les blanchisseries centrales des établissements de soins ont ainsi enclenché très tôt la réflexion, travaillant notamment sur leur utilisation des ressources premières (eau, gaz, électricité) mais aussi sur le choix des textiles et des produits chimiques. « Dans les années 90, par exemple, nous consommions 18 litres d’eau par kg de linge traité, contre quatre à six litres aujourd’hui », se rappelle le Docteur Philippe Carenco, président de la Blanchisserie Inter-Hospitalière (BIH) du Var, une structure qui traite chaque jour quinze tonnes de linge. 

Diminution des consommations en eau…

Également chef du service d’hygiène hospitalière du Centre Hospitalier de Hyères [voir encadré], le praticien ne prend pas ces questions à la légère, convaincu que le rôle de l’hygiéniste « ne se résume pas à faire appliquer des réglementations ». « Même si la première mission d’un hygiéniste reste la prévention du risque d’infection contracté au cours du soin, maîtriser l’impact environnemental fait également partie, pour moi, de notre travail », confie-t-il. Il n’est dès lors guère étonnant qu’il ait également intégré ces considérations dans sa fonction à la tête de la BIH du département. La diminution de la consommation d’eau, mesure essentielle s’il en est sur le plan écologique, ne représente d’ailleurs à son sens qu’une première étape pour la transformation des blanchisseries hospitalières. « Avec une consommation de 4 à 6 litres d’eau par kg de linge traité, nous avons désormais atteint une limite qu’il nous semble difficile de dépasser pour assurer un rinçage correct des produits chimiques utilisés lors de nos process », estime l’hygiéniste. 

…et en énergie

Et le Docteur Carenco d’évoquer l’action mécanique, le temps de contact, l’action chimique et la température, ces quatre « clés de la propreté » définies par le cercle de Sinner pour obtenir un nettoyage parfait. Principes fondamentaux pour l’élaboration des process en blanchisserie, ils représentent également des pistes afin de réduire l’impact environnemental et économique de ces structures industrielles. Articulée autour des notions d’action mécanique et de température, la consommation énergétique fait ainsi l’objet de toutes les attentions. Et force est de constater que dans ce domaine, les habitudes ont nettement changé par rapport aux dernières décennies. 
Révision des machines, acquisition de tunnels de lavages moins gourmands en énergie, changements des chaudières, mise en place de systèmes de récupération de la chaleur… Les initiatives sont en effet nombreuses et les résultats globalement à la hauteur des attentes. Au Groupement de Coopération Sanitaire (GCS) Blanchisserie Toulousaine de Santé, par exemple, une connexion au réseau de chaleur de l’incinérateur mis en œuvre dans l’hôpital voisin permet de traiter l’intégralité du linge à 80°C. Mais, s’il constitue un avantage indéniable pour limiter l’utilisation de produits chimiques tout en garantissant un nettoyage optimal auprès des organismes adhérents, ce type d’installation reste aujourd’hui peu fréquent puisqu’il nécessite des aménagements bien spécifiques. 
La BIH du Var ne bénéficie pas d’un tel système. Mais tout n’est pas pour autant perdu ! Ses responsables ont ainsi opté pour l’installation d’une chaudière au gaz, nettement plus intéressante sur les plans économique et écologique par rapport aux systèmes tout vapeur, et qui permet également de limiter les pertes énergétiques « ainsi que les risques liés à une fuite », précise Philippe Carenco. En parallèle, la blanchisserie varoise a aussi adopté l’utilisation de récupérateurs de chaleur. Véritables échangeurs thermiques, ces outils permettent de récupérer une partie de la chaleur des eaux usagées avant leur évacuation, et de la transférer à l’eau propre arrivant dans le système. « La prochaine étape pour nous, sera de travailler sur la climatisation, élément particulièrement important pour garantir une bonne qualité de vie au travail et diminuer la pénibilité du travail des agents, mais qui n’en demeure pas moins un poste très énergivore qu’il convient d’optimiser au maximum », indique Philippe Carenco qui vient également de lancer tout un programme de gestion, de recyclage et d’approvisionnement local des éléments textiles. 

Les textiles, une autre voie vertueuse

Transformation du linge réformé non-contaminé, récupération des matières premières… De nombreuses options existent pour une fois de plus limiter l’impact environnemental des blanchisseries. Mis en lumière par la crise sanitaire et les pénuries associées, l’approvisionnement local des produits textiles est également l’une des voies privilégiées par les établissements à la fois intéressés par une démarche de développement durable et en quête d’autonomie. « La France a encore une industrie textile performante, il faut en profiter », insiste le président de la BIH qui appelle en outre à réduire l’utilisation des produits à usage unique non stériles, dont les manques ont été au cœur de l’actualité. « On avance souvent l’argument financier dans le choix de l’usage unique. Il est effectivement moins cher à l’achat. Toutefois, le prix frontal ne se résume pas à l’achat. Les coûts de stockage et d’élimination de ces produits, qui permettront d’obtenir une estimation globale, ne sont pas forcément pris en compte », regrette l’hygiéniste qui recommande ainsi à chaque établissement « d’analyser ses pratiques » pour faire le bon choix. Pour lui, « il faut travailler de manière raisonnée et raisonnable » et profiter de la crise sanitaire actuelle pour revoir les pratiques dans leur ensemble. « Malgré tous les malheurs dus à cette épidémie, nous avons connu un moment privilégié, propice à un regain d’activités participant à la préservation de l’environnement, conclut Philippe Carenco. Tâche à nous, maintenant, de continuer à suivre cette voie ». 



Article publié sur le numéro d'octobre d'Ehpadia à consulter ici
 

« Enseigner est un bon moyen de faire passer le message »

La mobilité n’est pas un vain mot pour Philippe Carenco qui, à partir de sa base arrière de Hyères, intervient depuis de nombreuses années auprès des établissements de santé du territoire, directement ou à travers les Équipes Mobiles d’Hygiène (EMH), les Équipes Opérationnelles d’Hygiène (EOH) et même celles de l’Hospitalisation à Domicile (HAD). Prise en charge des déchets, maîtrise des émissions d’effluents, diminution de l’impact chimique, réduction de l’usage des produits à usage unique… L’hygiéniste a depuis longtemps intégré ces différents volets dans ses recommandations et dans les cours qu’il dispense aux instituts de formation en soins infirmiers et aux étudiants en hygiène. « Enseigner est un bon moyen de faire passer le message », poursuit, passionné, le praticien qui intervient également au niveau national et européen, auprès d’associations et d’organismes gouvernementaux. « Vulgariser l’hygiène, permettre à tous de suivre les recommandations de bonnes pratiques sans pour autant augmenter les impacts sur l’environnement », telle est l’une des nombreuses missions que s’est confiées Philippe Carenco.