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Pharmacie / Hygiène

PCI : « Le pragmatisme est plus que jamais de mise »


Publié le Mercredi 15 Mai 2024 à 09:57

Programmé cette année du 5 au 7 juin au Centre Prouvé de Nancy, le XXXIVème congrès national de la Société française d’hygiène hospitalière (SF2H) s’annonce une fois de plus comme un événement fédérateur, dans un contexte marqué par l’émergence de nouveaux enjeux. Nous faisons le point avec le Docteur Pierre Parneix, président de la société savante et responsable du CPias Nouvelle-Aquitaine.


© Nelly Stephan
© Nelly Stephan
Quels sont, aujourd’hui, les principaux axes de travail de la SF2H ?

Dr Pierre Parneix : Ils sont nombreux, car la prévention et le contrôle des infections (PCI) imposent une réflexion transversale, à la fois auprès des structures de soins que du grand public. Il nous faut donc continuer à inscrire notre discipline dans une dynamique positive, dans laquelle nous sommes tous engagés. Le réseau des Jeunes professionnels de la prévention du risque infectieux (JePPRI) multiplie ainsi les actions pour susciter l’intérêt des jeunes générations, tandis que la SF2H continue, pour sa part, d’œuvrer pour la création d’un statut d’infirmier de pratique avancée (IPA) en PCI, qui nous semble être une manière opportune de faire face aux défis à venir dans le domaine de la sécurité des soins.

Justement, en quoi consistent ces défis dans le secteur médico-social ?

Si la prévention du risque infectieux y a incontestablement progressé, particulièrement grâce aux Équipes mobiles d’hygiène (EMH), une importante marge d’amélioration subsiste. Mais nous sommes optimistes, car nous observons une dynamique très positive autour des EMH. Les IDE hygiénistes, par exemple, sont de plus en plus nombreux à demander à rejoindre ces dispositifs, alors même que nous peinons à recruter sur les postes en milieu hospitalier. Il faut dire que les interventions des Équipes mobiles d’hygiène sont très favorablement accueillies par les EHPAD, qui en sont demandeurs ! Cela est extrêmement gratifiant pour les professionnels de la PCI, qui y retrouvent le sens de leur métier.

Pour autant, et comme vous l’évoquez, des avancées restent souhaitables…

C’est notamment le cas pour la friction hydro-alcoolique ou la vaccination. Il faudrait également muscler les efforts sur la prévention des infections urinaires qui, dans les EHPAD, sont l’un des principaux réservoirs de bactéries multi-résistantes (BMR). Ce point sera d’ailleurs traité au cours du prochain congrès de la SF2H, qui se tiendra du 5 au 7 juin à Nancy. Cette nécessité est d’autant plus prégnante que la donne a changé : il n’est plus rare de voir des établissements débordés par une épidémie de bactéries hautement résistantes émergentes (BHRe). Plusieurs pistes seront évoquées au cours de notre prochain congrès, pour nous adapter à cette nouvelle réalité. Il faudrait probablement différencier notre stratégie selon la dangerosité du pathogène : certains mécanismes de résistance, à l’instar du gène NDM-1, qui s’est diffusé dans plusieurs types de bactéries, sont ainsi plus problématiques que d’autres, car plus complexes à traiter. Il serait également opportun de généraliser l’utilisation des logiciels métiers facilitant la collecte et l’exploitation des données, pour améliorer notre réactivité en cas de flambée épidémique.

Le prochain congrès de la SF2H mettra également à l’honneur les dispositifs de pédagogie ludique, qui ont véritablement trouvé leur place en matière de PCI.

Les approches ludo-éducatives suscitent effectivement un réel intérêt sur le terrain. Lors de notre appel à candidatures, nous avons reçu pas moins de 23 dossiers ! La mission MATIS prévoit d’ailleurs d’effectuer un recueil des outils existants, qui devraient à terme être accessibles via une base de données nationale. Notre prochain congrès proposera quant à lui plusieurs animations pédagogiques, sur la prévention du risque infectieux mais aussi sur celle des risques psychosociaux, qui n’épargnent désormais aucune spécialité. Consciente que des équipes en sous-effectifs sont à risque de burn-out, la SF2H a déjà préconisé des ratios de médecins et d’infirmiers hygiénistes par nombre de lits. Mais nos recommandations ne sont malheureusement pas toujours appliquées. Nous rappelons, avec insistance, que l’épuisement professionnel a un impact notable sur la qualité et la sécurité des soins ; sa prévention doit donc faire l’objet d’une stratégie adaptée. Au CPias Nouvelle-Aquitaine, par exemple, une analyse de la pratique professionnelle des équipes d’hygiène hospitalière a permis d’identifier les difficultés éventuelles pour mettre en œuvre les mesures adéquates. Ces travaux seront lauréats du prochain Prix Paramédical ce qui, nous l’espérons, favorisera leur réplication.

Autre thème fort du congrès, l’articulation des enjeux du contrôle de l’infection, avec ceux du développement durable. Que pourriez-vous nous en dire ?

Cette problématique trouve en effet un réel écho auprès de l’ensemble des spécialités et métiers du soin. La SF2H n’est pas en reste, travaillant notamment à réduire l’impact carbone du congrès national qui, comme tout événement de cette envergure, est par essence non durable. Cette tendance se matérialise aussi dans les pratiques professionnelles. Nous l’observons, par exemple, dans la volonté de réduire le recours aux produits chimiques et, plus globalement, de privilégier des formulations moins nocives pour l’environnement. Elle sera en outre au cœur de la prochaine session internationale, qui mettra l’accent sur le retraitement des dispositifs médicaux à usage unique. Autorisé par la règlementation européenne et déjà mis en œuvre dans plusieurs pays avoisinants, celui-ci devrait être expérimenté cette année en France, avec toutefois des garde-fous : les dispositifs devront être traités par un prestataire agrée, qui devra les soumettre à une nouvelle procédure de marquage CE, engageant ainsi sa responsabilité en cas de dysfonctionnement. D’autres assouplissements sont attendus sur d’autres champs – ainsi de la réutilisation des eaux usées –, ce qui représente un réel changement de paradigme en matière de prévention du risque infectieux. Il nous faut toutefois les mettre en œuvre intelligemment pour continuer à garantir la sécurité sanitaire des populations.

Le mot de la fin ?

La prévention du risque infectieux est aujourd’hui à la croisée des chemins, et le pragmatisme est plus que jamais de mise pour à la fois relever les enjeux actuels et mieux anticiper ceux à venir. Dans cette optique, la SF2H privilégie de plus en plus le croisement des regards et des cultures, comme avec les ingénieurs hospitaliers pour la prévention des risques liés à l’eau, ou avec l’INRS pour celle des risques respiratoires, qui feront d’ailleurs prochainement l’objet d’un nouveau guide – à découvrir en avant-première lors du congrès ! Les défis sont donc certes nombreux, mais la volonté d’y faire face collectivement est bien réelle. Et, si nous avons bien sûr des sujets d’inquiétudes, nous sommes aussi heureux de constater que notre discipline attire de jeunes médecins et de jeunes infirmiers véritablement engagés pour la santé publique. La relève semble assurée !

- Plus d’informations sur le congrès 2024 et l’actualité de la SF2H sur https://www.sf2h.net

> Article paru dans Ehpadia #35, édition d’avril 2024, à lire ici 
 

© Nelly Stephan
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