Si les secteurs de la santé et du médico-social ont longtemps semblé en retrait sur les questions environnementales, ils n’hésitent désormais plus à s’inviter dans le débat. C’est notamment le cas des blanchisseries hospitalières, dont les responsables ont entamé très tôt des réflexions pour faire évoluer leurs pratiques, évoquant notamment la réduction de la part des articles à usage unique. Une demande longtemps restée inaudible, qui bénéficie désormais d’une oreille attentive. « Les pénuries engendrées par la crise sanitaire ont montré à tous les limites des produits à usage unique, fabriqués à bas coût aux quatre coins du monde », nous faisait remarquer l’été dernier Andy Nguyen, président de l’Union des Responsables de Blanchisserie Hospitalière (URBH)*. Mais changer radicalement de modèle n’est pas toujours aisé, les habitudes – et les contraintes organisationnelles – ayant la peau dure. Pourtant, avait-il insisté, « une blouse à usage unique non-stérile n’est pas forcément propre ». Elle peut donc être aisément remplacée par un vêtement textile sans sacrifier aux exigences d’hygiène. Reste à justement quantifier les impacts écologiques d’une telle substitution.
Impact écologique : les articles textiles tirent leur épingle du jeu
Il y a quelques années, l’American Reusable Textile Association (ARTA), une association qui milite justement pour un recours accru aux articles réutilisables, avait analysé les cycles de vie (ou Life Cycle Assessment) des blouses d’isolation jetables et de leurs pendants réutilisables. « Parce que les fabricants de textiles à usage unique vendent une perception court-termiste de leurs produits, essentiellement basée sur un aspect monétaire avantageux, sans se soucier des impacts à long terme pour l’environnement, nous croyons important de sensibiliser nos clients à cette réalité », confie Raymond Morel, membre de l’ARTA et directeur général de la Buanderie Centrale de Montréal, l’une des plus importantes blanchisseries inter-hospitalières du Québec. L’association a ainsi tenté de quantifier l’énergie et les matériaux utilisés ou perdus à chaque étape manufacturière. En se basant sur 1 000 utilisations, donc 1 000 blouses à usage unique et 16,7 blouses lavables pendant 60 cycles, l’étude « démontre, hors de tout doute, un impact environnemental réduit associé à l’utilisation de blouses lavables plutôt que jetables », résume Raymond Morel. Les gains portent plus particulièrement sur quatre volets : l’énergie utilisée, qui diminue de 28 % avec les articles réutilisables, les émissions de gaz à effet de serre (- 30 %), la consommation d’eau bleue** (- 41 %) et la génération de déchets solides, dont la réduction est estimée entre 93 % et 99 %.
Le Dr Philippe Carenco, chef du service d’hygiène hospitalière du Centre Hospitalier de Hyères et président de la Blanchisserie Inter-Hospitalière du Var. ©DR
Une étude économique qu’il reste à mener
Bien que l’étude de l’ARTA, l’une des rares existantes à ce jour, ait été réalisée sur le continent américain et s’appuie à ce titre sur des valeurs certainement différentes de celles que l’on trouverait en Europe, ses conclusions n’en restent pas moins valables partout : l’utilisation d’éléments textiles a assurément un impact écologique moindre par rapport à l’usage unique. Mais les ramifications économiques de ces résultats restent à étudier, d’autant qu’elles ne manqueront pas de peser dans le choix des établissements de santé.
Particulièrement sensible aux problématiques environnementales, le Docteur Philippe Carenco, chef du service d’hygiène hospitalière du CH de Hyères et président de la Blanchisserie Interhospitalière du Var***, recommande aux établissements « d’analyser leurs pratiques » pour faire les bons choix. « On avance souvent l’argument financier dans le choix de l’usage unique. Il est effectivement moins cher à l’achat. Toutefois, le prix frontal ne se résume pas à l’achat. Les coûts de stockage et d’élimination de ces produits, qui permettront d’obtenir une estimation globale, ne sont pas forcément pris en compte », note-t-il.
Particulièrement sensible aux problématiques environnementales, le Docteur Philippe Carenco, chef du service d’hygiène hospitalière du CH de Hyères et président de la Blanchisserie Interhospitalière du Var***, recommande aux établissements « d’analyser leurs pratiques » pour faire les bons choix. « On avance souvent l’argument financier dans le choix de l’usage unique. Il est effectivement moins cher à l’achat. Toutefois, le prix frontal ne se résume pas à l’achat. Les coûts de stockage et d’élimination de ces produits, qui permettront d’obtenir une estimation globale, ne sont pas forcément pris en compte », note-t-il.
La proximité d’approvisionnement, nouveau nerf de la guerre
Le débat autour de cette double dimension écologique et économique a connu un nouveau rebondissement, avec les pénuries associées à la crise sanitaire. « La pandémie a mis en lumière les tensions sur les circuits internationaux d’approvisionnement », soulevant la question de la souveraineté de l’État – voire de l’Union Européenne, constatait ainsi Andy Nguyen au début de l’été. « Cette situation inédite a poussé plusieurs de nos clients vers une solution durable. L’aspect strictement monétaire a été remplacé par une préoccupation beaucoup plus axée sur la proximité d’approvisionnement et sur la continuité opérationnelle. Les articles lavables ont incontestablement gagné du terrain par rapport aux jetables », constate, outre Atlantique, Raymond Morel. Avec une industrie textile encore très performante, la France et ses partenaires européens pourraient bien avoir là une carte à jouer.
* Voir Ehpadia n°20, pages 46-48.
** L’eau bleue est une eau consommée lors du procédé et qui n’est donc pas retournée à son écosystème.
*** Voir Ehpadia n°21, pages 46-48.
Article publié dans le numéro de janvier d'Ehpadia à consulter ici.