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Confort de vie

Le développement durable s’installe dans les cuisines


Publié le Mercredi 3 Février 2021 à 09:28

S’attachant à valoriser les initiatives de développement durable portées par les restaurants collectifs, l’opération « Mon Restau Responsable » a été lancée en 2016 par le réseau Restau’Co et la Fondation Nicolas Hulot. Elle fédère désormais près de 230 structures, dont le CHU d’Angers qui produit notamment les repas de l’EHPAD Saint-Nicolas.


Mylène Bliard,  responsable du projet  pour Restau’Co. ©DR
Mylène Bliard, responsable du projet pour Restau’Co. ©DR
« Aider les structures de restauration collective à s’engager dans une démarche de progrès ». Telle est l’ambition de « Mon Restau Responsable », une initiative issue de plusieurs années de travail par les acteurs de la restauration collective. « Nous accompagnons les restaurants collectifs depuis douze ans et avons donc souhaité porter cette démarche qui s’inscrit dans la continuité de nos actions », précise Patrice Raveneau, en charge de l’opération au sein de la Fondation Nicolas Hulot, connue pour son engagement historique en faveur de l’environnement. « Mon Restau Responsable n’est pas un label. L’opération s’appuie sur un système participatif de garantie, une approche particulière qui laisse une place de choix à la participation active de tous », ajoute Mylène Bliard, responsable du projet pour Restau’Co, le réseau interprofessionnel de la restauration collective en gestion directe. 

Patrice Raveneau,  en charge du projet pour  la Fondation Nicolas Hulot. ©DR
Patrice Raveneau, en charge du projet pour la Fondation Nicolas Hulot. ©DR

La co-construction, un concept central

Encore peu connu en France, le système participatif de garantie y a été introduit par l’association Nature et Progrès. « Il a surtout été développé dans des pays du Sud, pour certifier sans passer par un organisme extérieur », explique Patrice Raveneau. Concrètement, les restaurants souhaitant s’engager dans Mon Restau Responsable commencent par remplir un questionnaire d’auto-évaluation en ligne, avant de recevoir la visite d’un de leurs pairs pour échanger sur leurs pratiques et évoquer les améliorations envisagées selon les quatre piliers de la démarche – bien-être, assiette responsable, éco-gestes, engagement social et territorial. 
« Le restaurant présente ensuite ses engagements pour deux ans lors d’une séance publique à laquelle il invite ses parties prenantes », complète Mylène Bliard. Des séances publiques complémentaires sont organisées tous les deux ans pour découvrir les avancées concrètes et les nouveaux objectifs du lauréat. « Ces échanges réguliers créent de nouvelles connexions entre les acteurs d’un même territoire ou d’un même secteur », se félicite la coordonnatrice. Le CHU d’Angers, dont les équipes produisent chaque jour 4 000 repas pour l’hôpital et 900 à destination de l’EHPAD voisin, est un parfait exemple de cette coopération : après avoir découvert la démarche auprès du CHRU de Besançon, Pierre Madiot, le responsable des cuisines pour le CHU angevin, a décidé de sauter le pas en juin 2018, en même temps qu’une quinzaine de structures du Maine-et-Loire – dont le restaurant universitaire de la Faculté de Médecine. 

Pierre Madiot,  responsable des cuisines  du CHU d’Angers. ©DR
Pierre Madiot, responsable des cuisines du CHU d’Angers. ©DR

De nombreuses réalisations notables…

Pour Pierre Madiot, cet engagement est à mettre en regard avec la dimension « pragmatique et concrète » de Mon Restau Responsable, « qui permet d’y engager l’équipe dans son entièreté » en offrant un cadre clair et lisible pour les agents comme vis-à-vis de l’extérieur. Il estime également que la démarche améliore la visibilité de son travail et de celui de ses équipes. « La visite d’Audrey Pulvar [alors présidente de la Fondation Nicolas Hulot, NDLR] lors de notre inscription avait braqué les projecteurs sur nos métiers de l’ombre, créant une émulation au sein des agents de cuisine, qui s’est répercutée à tous les étages de l’hôpital – mais aussi du territoire », se souvient-il. Deux ans plus tard, l’ingénieur juge positivement son engagement, qu’il vient d’ailleurs de renouveler. « Nous nous engageons à chaque fois sur des objectifs qui nous paraissent réalisables pour les deux années à venir », précise-t-il. 
Affichages clairs des menus, réorganisation des cuisines, meilleure maîtrise de la température des repas, mise en place de chariots de petit-déjeuner en libre-service, partenariats avec des associations de réinsertion par l’emploi… À Angers, les projets ne manquent pas. « Déjà déployé à la maternité de l’hôpital, le chariot de petits-déjeuners en libre-service sera prochainement proposé aux résidents de l’EHPAD Saint-Nicolas, récemment rattaché aux cuisines du CHU. Il permettra aux équipes soignantes de gagner du temps, tout en offrant plus de confort et de convivialité aux résidents », détaille le responsable qui compte également relancer les réunions de vie sociale avec les résidents pour « établir un dialogue constant entre eux et les cuisines ». 

… dont certaines en lien avec UNIHA

Des principes que l’ingénieur en restauration a également choisi d’appliquer au sein d’UNIHA, la coopérative des acheteurs hospitaliers français, pour laquelle il supervise notamment les achats de surgelés. « Depuis longtemps sensibilisée à ces questions, la communauté des acheteurs a déjà mis en place plusieurs initiatives allant en ce sens », explique l’intéressé, évoquant notamment l’achat de filets de poisson en « simple congélation », une évolution récente qui a obtenu, l’an dernier, un trophée de l’achat public et bénéficie désormais du logo WWF. Il explique : « En temps normal, le poisson pêché est congelé, puis traité en usine, la plupart du temps en Asie, pour être détaillé en filets avant d’être recongelé avec des polyphosphates permettant une meilleure rétention de l’eau ». Un procédé certes autorisé – avec des limites – par les normes européennes, mais qui soulève entre autres la question de la distance parcourue par les poissons. « La simple congélation permet de garantir une transformation et une congélation soit à bord du navire, soit à terre, dans des centres de traitements côtiers proches du lieu de pêche », note l’ingénieur. 

« L’agriculture française est de qualité, il faut en profiter »

Pour aller plus loin cette année, et notamment respecter les exigences de la loi EGalim*, le responsable de la cuisine angevine compte augmenter sa part de produits sous Signes d'Identification de la Qualité et de l’Origine­ (SIQO)** ou élaborés en France car, insiste-t-il, « l’agriculture française est de qualité, il faut en profiter ».  Ainsi, à Angers, les cuisines ne traitent plus de fraises d’Espagne, basculent sur de la tomate de pleine terre en saison, ne servent que des agrumes non-traités après récolte et des raisins exclusivement issus de cépages muscat et chasselas, récoltés en France. « Par rapport à du raisin Italia, le coût passe de 1 €/kg à 3 ou 4 €/kg », concède Pierre Madiot. Alors, pour faire face à ce surcoût, il a porté son attention sur deux autres paramètres : la compensation avec d’autres repas moins chers, et surtout la réduction du gaspillage alimentaire, s’équipant de fiches, logiciels et services de commandes de repas ultra-précis qui permettent « une élaboration au gramme près ». Un point essentiel pour offrir à tous, patients, résidents et personnels, une alimentation de qualité tout en garantissant un budget maîtrisé.  

*Loi du 30 octobre 2018 pour l'équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, également appelée « loi Alimentation ».
**Soit l’Indication Géographique Protégée (IGP), l’Appellation d’Origine Protégée ou Contrôlée (AOP ou AOC), l’Agriculture Biologique, le Label Rouge et la Spécialité Traditionnelle Garantie (STG). 

 



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