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Le groupe Xerfi, plusieurs études autour des seniors


Publié le Mercredi 8 Mars 2023 à 11:06

A travers les différentes études réalisées ces derniers mois, le groupe Xerfi propose dans ce dossier spécial un tour d’horizon des problématiques et enjeux auxquels sont confrontés les professionnels des différents secteurs s’adressant aux personnes âgées. Ce dossier recense les communiqués de presse relatifs aux études et donne accès à la présentation synthétique de chacune d’entre elles.



 

Les résidences seniors se mettent au service des baby-boomers

Il ne faut jamais se fier aux apparences. Certes, le parc de résidences services seniors (RSS) n’a augmenté que de 69 unités en 2022 pour un peu moins de 5 500 logements. Mais cette contreperformance s’explique par le report d’une partie des mises en exploitation à 2023 en raison de la crise sanitaire. En réalité, le marché des RSS n’a jamais été aussi dynamique. La crise aura ainsi renforcé l’image et la visibilité de la RSS. Surtout, 2021 et 2022 ont été marqués par la multiplication de projets, anticipant un effet papy-boom sur la demande. Au final, le parc de résidences services seniors va enregistrer une croissance record avec 264 unités supplémentaires (ou 25 410 logements) attendues d’ici fin 2024 pour s’établir à plus de 1 300 résidences (environ 106 580 logements) qui accueilleront alors plus de 122 000 seniors, pour la plupart des femmes vivant seules, selon les calculs des experts de Xerfi Precepta. Mieux encore : 240 nouvelles résidences pour près de 22 000 nouveaux logements devraient sortir de terre entre 2024 et 2026. Toutefois, ces perspectives exceptionnelles ne doivent pas occulter les spécificités du marché. Cette solution résidentielle intermédiaire impose en effet la mise en place d’une méthodologie d’implantation adaptée, des stratégies marketing et commerciales dédiées mais aussi le déploiement de stratégies de services.
 
Jusqu’ici, le marché des résidences seniors s’appuyait sur la seule pertinence de la réponse apportée à un besoin latent de sécurité et de lien social des seniors en quête de préservation de leur autonomie. Depuis 2021-2022, il commence à bénéficier de la croissance massive de la population cœur de cible de l’offre (+2,9% par an d’ici 2035 des 75 ans et plus autonomes ou en risque de perte d’autonomie (GIR 5-6) qui seront alors 6,6 millions). L’âge moyen d’entrée en RSS étant de 80 ans, les effets de la croissance pourraient en effet se faire sentir bien après 2031. Une population nombreuse et compatible avec les divers concepts de RSS (appétences a priori supérieures pour les services, la mobilité ou encore la prévention de la perte d’autonomie). Et une génération qui, outre qu’elle facilite la montée en charge, garantit le maintien des taux d’occupation des résidences.
 
Autrement dit, cet élargissement de l’offre aux baby-boomers est une véritable aubaine pour les promoteurs et les exploitants de RSS. Si l’ensemble des territoires sera impacté par cette dynamique étroitement liée à l’entrée et à l’avancée des baby-boomers dans la classe d’âge des 75 ans et plus, elle sera très marquée dans des régions comme les Hauts-de-France, les Pays de la Loire, la Bretagne ou la Normandie.
 
S’implanter dans des zones privilégiées et des territoires délaissés
 
Il ne « reste » donc plus qu’à concrétiser cet immense potentiel de croissance. D’abord, les acteurs vont se montrer sélectifs. Ils ne pousseront ainsi pas leurs concepts sur tous les territoires. En effet, 90% des logements mis en exploitation d’ici 2024 seront situés dans les centres villes de villes-centres ou de communes de banlieues d’unités urbaines de 15 000 habitants et plus, où vivent environ 60% des 75 ans et plus. Car le développement du marché n’est plus réservé aux seules zones géographiques dotées d’atouts naturels (littoraux, zones tempérées et ensoleillées...).
 
Les variables stratégiques qui déterminent les décisions s’articulent aujourd’hui autour de l’évolution du nombre de seniors autonomes ou en risque de perte d’autonomie, confrontés à des problèmes d’adaptation du logement historique, mais aussi à la part de seniors vivants seuls et bien sûr à leur niveau de vie. Sur la base de cette grille de lecture, un nouvel équilibre de la répartition des projets entre les régions émerge et dessine une croissance inédite de ceux-ci dans les Hauts-de-France ou en Centre-Val de Loire par exemple.
 
En réalité, les acteurs vont devoir relever un double défi. Le premier, démographique, porte sur l’optimisation du cycle de développement immobilier et des conditions d’activité mais aussi sur l’aménagement des modèles d’exploitation face à la sensible hausse de la demande. Aujourd’hui, les trois quarts de l’offre se concentrent sur des territoires regroupant moins de la moitié des seniors de 75 ans et plus. Le second défi, sociologique, passe par une diversification des concepts de RSS (« intégrées » ou « tout à la carte » pour les résidences « nouvelle génération» par opposition au modèle de la copropriété pour les résidences «ancienne génération») pour répondre aux nouvelles exigences en matière de mobilité et de choix au regard de la grande hétérogénéité de la population cible.
 
Le rythme de croissance du marché dépendra donc de la capacité des opérateurs à répondre aux besoins de zones d’implantation privilégiées mais aussi à terme de territoires délaissés ou uniquement ciblés par les projets d’habitat partagé (colocations seniors, béguinages...).
 
Déployer des stratégies marketing et de services
 
Toujours pour concrétiser le potentiel de croissance du marché, les acteurs mettent en place des stratégies marketing et commerciales spécifiques. Cela passe par le marketing d’innovation grâce auquel ils peuvent s’appuyer sur une approche collective de l’élaboration d’une offre innovante adaptée. Ainsi, Domitys et Les Senioriales sont des adeptes du Design Thinking. Les exploitants peuvent aussi mobiliser le marketing offline comme par exemple un call center ou encore un plan média. Le marketing digital est également un puissant outil pour générer des leads et essentiel avec la montée en puissance de seniors de plus en plus connectés.
 
En tant qu’habitat regroupé adapté, la RSS se positionne comme un acteur pivot d’un écosystème de services qui cherche à enrichir son offre et sa promesse de valeur. Il s’agit alors de s’associer à d’autres opérateurs spécialisés pour étoffer ses prestations, à l’instar de Domidom et Les Villages d’Or, mais également de produire des services en interne (comme par exemple des SAAD à Villa Médicis). La capacité de la résidence à proposer une solution globale articulée autour d’un ensemble de prestations est aussi un facteur de succès. A cet égard, la réforme en cours des services à domicile pourrait favoriser l’homogénéisation les pratiques des réseaux.
 
Toujours épaulé par AG2R La Mondiale et son partenaire privilégié Nexity, le leader du marché Domitys (plus de 21% des logements fin 2022) va conforter son rang dans un avenir proche. Après avoir reporté plusieurs ouvertures l’an dernier, le groupe prévoit 59 nouvelles résidences d’ici fin 2024. De quoi franchir la barre symbolique des 200 RSS gérées. Derrière Domitys, quatre enseignes dépassaient la barre symbolique des 5% de parts de marché (exprimées en nombre de logements). Il s’agit des Senioriales, des Girandières, des Jardins d’Arcadie et des Villages d’Or. Ce top 5 est stable depuis plusieurs années.

Jean-Christophe Briant, « Le marché des résidences seniors : comment concrétiser l’immense potentiel de croissance ? – Une base de données exclusive sur le secteur et les dynamiques régionales pour décrypter les stratégies d’innovation et d’adaptation »

 

La filière du grand âge entre le « tout EHPAD » et le « tout maintien à domicile »

Face à la crise de confiance inédite vis-à-vis des EHPAD, engendrée par l’affaire Orpea, les acteurs du grand âge organisent leur riposte. Sur ce marché complexe mais à fort potentiel, ils s’emploient en effet à trouver le point d’équilibre entre optimisation des coûts et qualité des prestations. A l’aube d’un bouleversement des parcours des personnes âgées, l’un des facteurs clés de succès de demain consistera à sortir du dilemme « tout EHPAD » ou « tout maintien à domicile » pour diversifier les solutions proposées, de l’avis des experts de Xerfi Precepta. Le concept d’EHPAD hors les murs est une première réponse. Mais d’autres pistes peuvent être approfondies comme les hébergements intermédiaires (résidences intergénérationnelles, colocations ou béguinages par exemple). En tout état de cause, les acteurs devront jouer la carte du care management et pousser plus loin la logique du parcours de soins, en décloisonnant les métiers. En réalité, cette troisième voie entre le « tout EHPAD » et le « tout maintien à domicile » n’est plus une option face à la profonde transformation du marché de la dépendance.
 
D’abord, le nombre de personnes âgées va exploser d’ici 2050 (24,3 millions de 60 ans et plus dont 4 millions en perte d’autonomie) et il ne sera pas possible d’en accueillir autant qu’aujourd’hui en maisons de retraite. Sauf à créer quelque 7 000 places supplémentaires chaque année... Ensuite, le scandale Orpea va forcément accroître la réticence des plus de 75 ans à entrer en maison de retraite. Enfin, la nouvelle génération de seniors va exprimer des besoins radicalement différents de la génération précédente. Ils consomment en effet davantage, ont des comportements d’anticipation, de prévention et d’adaptation. Les papy boomers souhaitent aussi rester à leur domicile mais ne rechignent pas à le quitter pour un habitat plus adapté. Leur appétence pour les nouvelles technologies, les services et une vie sociale enrichie permettent par ailleurs d’envisager une plus forte ouverture d’esprit envers les hébergements intermédiaires.
 
L’offre de prise en charge va s’étoffer
 
Dans ce contexte, l’offre de prise en charge des seniors est bien partie pour s’élargir. Pour satisfaire les personnes désireuses de rester chez elles et limiter le coût de la dépendance pour les finances publiques, l’essor des prises en charge à domicile devrait en toute logique monter en puissance. C’est en tout cas l’objectif d’une batterie de mesures récentes (tarif national plancher pour les SAAD en 2022,...) ou à venir (refonte de la tarification des SSIAD en 2023,...). L’ensemble de ces initiatives devrait permettre de maintenir à domicile près de 23 millions de personnes âgées en 2050 (moins de 12 millions aujourd’hui), d’après les calculs des experts de Xerfi Precepta.
 
Les solutions d’hébergement intermédiaire vont, elles, gagner du terrain, entre autres grâce aux ambitions de leurs actionnaires, à l’image de Korian pour les colocations Ages et Vie, CetteFamille pour ses colocations seniors accompagnées ou encore Vivr’Alliance pour ses béguinages. Les placements en institution vont dès lors se raréfier mais surtout être plus tardifs et plus courts. Si les EHPAD auront à l’évidence un rôle à jouer pour faire face au vieillissement massif de la population, ils se concentreront sur l’accueil des seniors les plus dépendants (le cas de 92% des résidents actuels en maisons de retraite).
 
Des acteurs en ordre de bataille
 
Malgré l’affaire Orpea, plusieurs acteurs sont aujourd’hui en ordre de bataille pour accroître leurs positions sur un marché dont la croissance s’annonce prometteuse à long terme. C’est surtout vrai pour les grands groupes privés intégrés du grand âge (Orpea, Korian, DomusVi, Colisée...). Leurs portefeuilles d’activités est tellement diversifié (EHPAD, résidences seniors, SAAD, voire SSIAD et SMR/HAD) qu’ils peuvent jouer le rôle de « guichet unique » pour les personnes âgées. Ayant déjà intégré le maillon du domicile au gré de leurs acquisitions de réseaux matures, ils mettent aujourd’hui les bouchées doubles dans l’hébergement intermédiaire. C’est bien ce qu’illustre, entre autres, le récent rachat des résidences seniors Medeos par Domus Vi.
 
Ces groupes intégrés ont de réels atouts à faire valoir pour se renforcer dans les métiers du grand âge. Ils devront toutefois relever plusieurs défis, en tête desquels les problèmes de maltraitance dans leurs maisons de retraite. Ils devront également s’atteler à pousser plus loin leur logique de complémentarité entre leurs activités du domicile, celles situées en amont (soins de suite) et en aval (résidences seniors et EHPAD). Intégrer les spécificités des activités du domicile est aussi une nécessité.
 
Les plus grands réseaux spécialisés dans la prise en charge du grand âge (Age d’Or Services, Junior Senior, Vitalliance...) sont également bien armés pour conserver leur rang dans le futur paysage concurrentiel. Face au « bien vieillir », ils peuvent se prévaloir d’une taille critique pour la plupart d’entre eux mais aussi d’une expertise et d’une notoriété qui leur assurent une bonne visibilité. Leur modèle mériterait pourtant d’évoluer, en particulier pour remédier à une santé financière fragile. Déjà, certains acteurs ont opté pour un modèle hybride (prestations en hébergements intermédiaires et à domicile). Se doter d’une fonction de « care manager » ou de « conseiller en autonomie» est également une bonne façon de valoriser les métiers et d’accompagner les besoins d’accompagnement des seniors.
 
Cathy Alegria, « Les stratégies des acteurs du grand âge - Quels défis face à la crise du tout EHPAD ? Quelles perspectives pour les acteurs des services à domicile ? »

 

Le privé au chevet de la santé

Lentement mais sûrement, l’offre de santé se privatise. Il est vrai qu’entre l’essor de l’exercice regroupé, le virage ambulatoire et les nouveaux besoins des seniors, l’offre de soins se transforme à vitesse grand V dans l’Hexagone. Une transformation qui recèle de véritables opportunités de croissance pour les opérateurs privés. Cette privatisation de l’offre de santé touche la plupart des métiers, des activités hospitalières aux pharmacies, en passant par les centres de santé ou l’accompagnement à domicile. L’effet taille et l’effet groupe sont à l’évidence les deux principaux leviers actionnés par les groupes privés pour alimenter leur croissance. Dans ce contexte émerge un nombre toujours plus important de « géants intégrés » à l’instar des groupes de cliniques, qui s’immiscent dans les soins de proximité, ou ceux du grand âge, dans les services à domicile et les résidences services seniors (RSS). D’ici 2024, le secteur privé commercial renforcera sa position sur presque tous les marchés de l’offre de santé et seniors, de l’avis des experts de Xerfi Precepta. Dans le sanitaire, les plus fortes hausses concerneront l’hospitalisation de moyen séjour (SMR et PSY) et l’HAD. En ville, le privé portera la croissance du parc de centres de santé. Et il poursuivra sa marche en avant dans les domaines des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) et de l’hébergement intermédiaire (RSS en tête).
 
Pour l’heure, la stratégie d’intégration des métiers du secteur privé commercial peut buter sur des caractéristiques et modèles économiques peu attractifs. C’est entre autres le cas des SAAD ou des services de soins d’infirmiers à domicile (SSIAD), victimes notamment d’un défaut de valorisation. Précisons que ces anomalies sont au cœur des enjeux des réformes en cours de ces services dont la création des services autonomie à domicile (SAD) avant fin juin 2023 constituera le point d’orgue. Soit autant d’éléments susceptibles de faire évoluer les acteurs privés à l’avenir.
 
La rationalisation systémique et aveugle des coûts constitue l’autre obstacle au développement des acteurs privés dans l’offre de santé. Des manquements graves en matière de qualité ont ainsi sérieusement fragilisé ces derniers mois les EHPAD et les centres dentaires, notamment après les scandales Orpea et Proxidentaire tant aux yeux des patients, résidents et aidants qu’aux yeux des autorités de tutelle et pouvoirs publics.
 
Le manque d’investissement dans les systèmes d’information santé, à l’image des acteurs du grand âge pour les fonctions opérationnelles ou cœur de métier, est également un écueil. Cela entraîne une sous-optimisation des stratégies de développement et entrave la coordination des prestations.
 
Un repli du secteur public hospitalier freiné ?
 
Le secteur public hospitalier s’est péniblement relevé en 2021 de la crise sanitaire, affichant un niveau d’activité en volume inférieur à celui de 2019. L’hôpital public reste en proie à de profondes restructurations et réorganisations symbolisées par une rationalisation des capacités hospitalières qui dépasse le cadre du virage ambulatoire et une montée en puissance poussive des GHT (groupements hospitaliers de territoire).
 
A l’opposé, le secteur privé a renoué dès 2021 avec des niveaux d’activité conformes à 2019. Engagé dans une démarche très avancée de substitution de capacités en hospitalisation complète par des places d’hospitalisation partielle, il poursuit son développement soutenu dans les activités de moyen séjour.
 
Le secteur public hospitalier n’a pas encore atteint le niveau de maturité organisationnelle et d’efficience des grands groupes de santé privés. Si la tâche est autrement plus ardue que pour ces groupes, les ajustements attendus d’ici 2024 au niveau des GHT doivent permettre au secteur public de freiner un repli qui offre à un secteur privé mature et dynamique l’opportunité de renforcer ses parts de marché dans de nombreux domaines et territoires.
 
Malgré l’émergence progressive de véritables « hôpitaux privés » avec de larges spectres d’activités, les 4/5ème des cliniques MCO (médecine – chirurgie – obstétrique) sont des établissements « polaires » ou « multipolaires ». Les 4/5ème des établissements SMR privés commerciaux sont des centres de soins de suite hospitaliers, services de soins de suite de petite taille rattachés à une structure de court séjour (MCO) et utilisés comme capacités de dégagement. En retrait dans les soins de longue durée, le secteur privé commercial occupe une place de choix dans l’hémodialyse et la radiothérapie externe. En clair, le privé commercial est engagé dans la création de « pôles d’excellence ».
 
Les groupes sanitaires stricto sensu comme Ramsay Santé ou encore ELSAN se partagent le leadership du secteur des cliniques privées commerciales devant des groupes spécialisés dans la prise en charge des pertes d’autonomie provisoires ou permanentes comme Orpea ou Korian. Les modèles économiques de ces groupes trouvent toute leur pertinence dans la valorisation de leur cœur de métier, qu’ils soient bâtis dans une logique de spécialisation dans le MCO, de multi-spécialisation et de complémentarité entre le MCO et les SMR ou selon une logique d’intégration d’une filière de prise en charge.
 

Les acteurs du portage de repas à domicile doivent savoir s’entourer

3 questions à Cathy Alegria, directrice d’études
 
Comment les acteurs du portage de repas à domicile abordent-ils l’avenir ?
 
Depuis 2020, le marché du portage de repas à domicile profite de solides moteurs de croissance. A tel point qu’il devrait représenter 560 millions d’euros cette année, selon nos estimations. D’un côté, les nouveaux adeptes recrutés pendant la crise sanitaire sont restés fidèles au service. De l’autre, le prix moyen d’un repas a été revalorisé (de 9 à 10,50 euros d’après nos calculs) pour amortir la hausse des principaux coûts des prestataires (frais de personnel, carburants, denrées alimentaires et emballages). Sans oublier, bien sûr, la hausse structurelle du nombre de seniors en perte d’autonomie, désireux de rester à domicile. A titre d’exemple, le spécialiste Menus Service a engrangé un chiffre d’affaires de 50 millions d’euros en 2021 (soit 1,6 fois de plus qu’en 2019). Et le marché continuera d’évoluer sur une pente ascendante à moyen terme en raison de l’augmentation inéluctable du nombre de personnes âgées dépendantes mais aussi du virage « domiciliaire » souhaité par les pouvoirs publics. Le foisonnement de l’offre et l’expansion géographique des acteurs privés, la généralisation progressive du crédit d’impôt instantané ainsi que les nouvelles hausses tarifaires devraient également donner une nouvelle impulsion au marché. Celui-ci devrait en effet croître de 3,5% par an en moyenne pour franchir la barre des 600 millions d’euros en 2024, selon nos prévisions. Mais la flambée des coûts va compliquer l’équation économique des acteurs. Les marges de ces derniers vont ainsi franchement décrocher à court terme. Pour défendre leur profitabilité, les opérateurs amélioreront l’efficacité opérationnelle et la logistique de livraison. A ce titre, ils développeront des outils technologiques afin d’optimiser les stocks et les approvisionnements, le planning des équipes, la prise en charge des commandes et l’organisation des tournées de livraison. Notons par ailleurs que les collectivités territoriales (mairie, CCAS, CIAS...) jouent un rôle de premier plan sur le marché dans la mesure où le portage de repas contribue au maintien à domicile des personnes âgées sur leur territoire. On aura aussi compris que le marché du portage de repas dépend largement des aides de l’Etat (allocation personnalisée d’autonomie ou APA et les réductions d’impôt). A cela peuvent s’ajouter des aides versées par les départements et les caisses de retraite sous certaines conditions.
 
Les rivalités concurrentielles sont-elles une réalité sur ce marché ?
 
La compétition reste plutôt faible sur ce marché au regard d’autres services à domicile (ménage, jardinage...). Toutefois, plusieurs facteurs ont renforcé l’intensité concurrentielle. Il s’agit en particulier de l’expansion géographique des réseaux sous enseigne dans les plus petites agglomérations. Je pense également à la faible différenciation des offres des prestataires et au faible consentement à payer des seniors. Ce qui entretient les pressions sur les prix. Enfin, l’arrivée de nouveaux entrants ne doit pas être prise à la légère. Plusieurs groupes d’EHPAD se sont ainsi récemment dotés d’une offre dédiée, à l’instar d’Iroise Bellevie (Iroise Repas) et d’Emera (Emera Gourmet). Les sociétés de portage de repas à domicile évoluent dans le vaste écosystème du maintien à domicile des seniors. Celui-ci compte une pluralité d’intervenants qui opèrent sous différents statuts (public, privé commercial et privé à but non lucratif). Tous ces acteurs sont de puissants prescripteurs pour les personnes dépendantes qu’ils accompagnent. Compte tenu de la complexité de l’écosystème du maintien à domicile et de l’organisation des services de portage de repas (faisant appel à la fois à des compétences en matière de restauration collective et de logistique), les sociétés de portage de repas doivent relever deux grands défis pour s’imposer sur le marché : se rapprocher de partenaires prescripteurs (professionnels de santé libéraux, établissements médico- sociaux...) et s’entourer de partenaires pour couvrir l’ensemble de la chaîne de valeur (opérateurs de la restauration collective, traiteurs, spécialistes de la livraison...). En d’autres termes, le portage de repas à domicile est bien souvent le fruit du travail de plusieurs prestataires coordonnés par un donneur d’ordre.
 
De quelle(s) façon(s), les opérateurs revisitent-ils leur offre ?
 
L’extension du maillage territorial est un axe de développement privilégié par les acteurs privés. Il permet de gagner de nouveaux clients mais aussi d’atteindre une taille critique permettant de générer des économies d’échelle. Plusieurs modes de croissance sont alors utilisés : franchise, création de nouvelles agences et croissance externe. Précisons que comme les principaux postes de charge sont fixes, atteindre une taille critique sur chaque zone couverte et déterminante pour rentabiliser l’activité. Lorsque les zones de livraison se chevauchent, les acteurs cherchent à se différencier des concurrents. Cela passe par la personnalisation du service, le développement d’une offre premium mais aussi le déploiement d’une marque forte. Les évolutions réglementaires et celle des critères d’attribution des appels d’offre les poussent par ailleurs à repenser leur activité pour en réduire l’empreinte environnementale.
 

La filière des soins à domicile face à une équation économique compliquée

3 questions à Cathy Alegria, directrice d’études
 
Comment les prestataires de soins à domicile abordent-ils l’avenir ?
 
Malgré les 700 millions d’euros de baisses tarifaires imposées depuis 2010 et la coûteuse adaptation au télésuivi de l’apnée du sommeil, les prestataires de soins à domicile (PSAD) ont réussi à maintenir leurs marges dans la période pré-Covid. Gonflées par l’explosion des volumes et la réduction des coûts liée au repli du nombre de visites à domicile, leurs marges ont ensuite atteint des sommets au plus fort de la crise sanitaire. Un net décrochage est toutefois à prévoir. La donne est en effet en train de changer. D’abord, les coûts dérapent (carburant, prix des dispositifs médicaux, forfaitisation accrue des interventions...). Sans oublier que les baisses tarifaires vont se poursuivre (comme par exemple pour la pression positive continue ou PPC, prestation phare des PSAD). Surtout, les prestataires vont peiner à gagner en efficience alors que la plupart d’entre eux ont déjà « industrialisé » leur activité face aux mesures des pouvoirs publics pour contenir les dépenses de santé. Ils ne pourront pas non plus miser sur la course à la taille avec l’arrivée à terme du mouvement de consolidation du secteur. En somme, l’équation économique se complique pour les prestataires de soins à domicile. En dépit de cette dégradation inéluctable, les marges de la profession resteront confortables avec un taux d’excédent brut d’exploitation de 19% et un taux de résultat net de 8% en 2024, d’après nos calculs. Le chiffre d’affaires de la profession augmentera lui au rythme de 3% par an en moyenne d’ici 2024 par rapport aux 3,1 milliards engrangés en 2021.
 
Dans ce contexte, le jeu concurrentiel du secteur ne devrait pas franchement évoluer ?
 
Compte tenu des options stratégiques à la disposition des acteurs, des nouvelles baisses de prix et des faibles possibilités de consolidation, aucun bouleversement d’ampleur ne devrait intervenir dans le jeu concurrentiel. Toutefois, certains consolidateurs (Bastide, Santé Cie, La Poste...) mais aussi Damartex devraient sans doute mettre la main sur quelques petites sociétés (moins de cinq millions d’euros de chiffre d’affaires). Ces dernières risquent en effet d’être fragilisées par le durcissement des mesures réglementaires et le contexte inflationniste. En réalité, ce sont les officines qu’il convient de surveiller. Historiquement, les pharmacies évoluent en marge du marché des PSAD. Mais elles ont récemment gagné une importante bataille en 2021, en étant retenu par le CEPS pour accompagner les patients sous pompe à insuline Diabeloop, en lieu et place des prestataires de soins à domicile. En clair, cette incursion pourrait bien se poursuivre pour d’autres prises en charge alors que les pharmacies dépendent de plus en plus de leur capacité à développer et à faire fructifier leurs missions de santé autour de nouvelles activités. Cette percée dans la filière de soins a été permise par la mise au point d’un modèle d’affaires novateur (éclatement du forfait LPPR, recours intensif à la technologie, association des pharmaciens avec TIMKL, une société soutenue par le laboratoire pharmaceutique Roche).

Cette arrivée des officines dans le médico-technique n’est pas susceptible de remettre en cause la place des PSAD tant le suivi des patients sous Diabeloop n’est qu’une goutte d’eau dans l’ensemble des prestations qu’ils assurent. Il faut néanmoins surveiller de près cette entrée des pharmacies qui ont une certaine légitimité auprès des autorités de tutelle en raison de leurs atouts (maillage territorial, certaine caution médicale....). Malgré la diversité des intervenants (PSAD privés et associatifs, pharmacies et structures d’HAD), Air Liquide, Isis, Santé Cie et SOS Oxygène trustent aujourd’hui plus de la moitié du marché en valeur.
 
Quelles sont les principales stratégies de croissance des prestataires ?
 
A l’instar de bon nombre d’entreprises de santé, les PSAD misent sur le numérique comme les solutions de télémédecine, les dispositifs connectés et, plus globalement, les systèmes d’information. Avec ce virage technologique, ils cherchent à améliorer leurs prises en charge et à gagner en efficience. Certains se diversifient même dans la collecte et le traitement de données, à l’image d’AGIR à Dom qui a racheté OpenHealth. En matière de télésurveillance, les PSAD s’appuient sur un nombre limité de solutions conçues par des industriels. Seuls les grands groupes La Poste et Air Liquide mènent des stratégies intégrées plus ambitieuses. Parallèlement, certains prestataires n’hésitent pas à sortir du champ d’intervention du médico-technique classique en investissant le maintien à domicile ou les niches de la stomathérapie, de l’urologie et de la cicatrisation des plaies chroniques (escarre, ulcère...) ou aigües (post-opératoire, traumatique...). L’opérateur Santé Cie est même allé plus loin en se positionnant dans la dialyse et la gestion de maisons de santé de proximité. De façon générale, les acteurs du marché cherchent à s’intégrer dans l’écosystème des patients en nouant des liens avec les professionnels ou les structures présentes dans le parcours de soins.
 



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