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Histoire accélérée des EHPAD


Publié le Mardi 14 Juin 2022 à 09:01

En 1975, la loi donnait un délai de dix ans aux pouvoirs publics pour assurer la transformation des hospices en maisons de retraite, médicalisées ou non. Il aura fallu près de 30 ans pour réaliser cet objectif, avec la création des EHPAD en 2002. Retour sur une histoire mouvementée.


Hospice de Beaune, Hôtel Dieu. ©Hospices de Beaune
Hospice de Beaune, Hôtel Dieu. ©Hospices de Beaune
Héritiers de la tradition asilaire, les hospices ont longtemps servi de lieux de relégation à des vieillards « contraints de se livrer à une mendicité tapageuse que dénonçait déjà un édit royal de Louis XIV, comme une nuisance sociale difficilement supportable », rappelait en 2007 Alain Villiez, auteur de plusieurs ouvrages de gérontologie. Ces institutions, dont le développement s’est accéléré au début du XIXème siècle, visaient au départ à donner l’hospitalité, comme leur nom l’indique. Elles connaissent une première évolution dans la seconde partie du XIXème siècle en accueillant une infirmerie destinée à l’accueil des personnes en fin de vie, mélangeant déjà les notions de social et de médical.

Ce modèle n’était toutefois plus adapté aux changements sociaux et démographiques du XXème siècle, où les droits des personnes âgées sont désormais mieux pris en compte. Abrogés par la loi du 30 juin 1975, pendant, pour le secteur social et médico-social, de la grande réforme hospitalière de 1970 qui a recentré l’hôpital sur le soin, les hospices ont fini par donner naissance – après maints développements – aux EHPAD tels que nous les connaissons aujourd’hui.

1975-1997 : pose des premiers jalons

Tout est d’abord question d’appellation. Organisant la filière sociale et médico-sociale, la loi de 1975 a ainsi commencé par faire entrer le concept de « maison de retraite » dans le langage législatif, « écartant définitivement le terme d’hospice, devenu trop péjoratif », note Gérard Brami, docteur en droit et directeur d’EHPAD pendant près de 40 ans. Elle introduit en outre la possibilité de médicalisation, mais celle-ci est encore laissée au choix des établissements qui ne peuvent, alors, décider de se médicaliser entièrement.

En 1997, la loi sur la prestation spécifique dépendance, ancêtre de l’allocation personnalisée d’autonomie, vient réviser celle de 1975. Elle apporte notamment la notion de convention tripartite, avec un forfait soins (dépenses relatives aux soins médicaux et paramédicaux, prises en charge par l’Assurance maladie), un forfait hébergement (dépenses hôtelières à la charge du résident, sauf si l’insuffisance de ses ressources lui ouvre droit à l’aide sociale du département) et un forfait dépendance (dépenses à la charge du résident mais qui peuvent être en partie couvertes par l’allocation personnalisée d’autonomie), dont l’application fait l’objet d’un décret en 1999.
"Hospice de vieillards" à Aubervilliers, dans les années 1940. ©Keystone-France\Gamma-Rapho/Getty Images
"Hospice de vieillards" à Aubervilliers, dans les années 1940. ©Keystone-France\Gamma-Rapho/Getty Images

2002, un tournant majeur

Quelques années plus tard, la loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale marque un tournant majeur dans l’histoire des maisons de retraite médicalisées, qui vont changer de statut pour devenir progressivement des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou EHPAD, un terme forgé de toutes pièces, en s’engageant sur des critères qualitatifs. Pour y être accueilli, « il faut avoir au moins 60 ans et avoir besoin de soins et d’aide quotidiens pour effectuer les actes de la vie courante », précisent les pouvoirs publics. La médicalisation y est désormais bien définie et plus développée : un établissement peut être entièrement médicalisé, « les infirmiers sont des acteurs salariés, les aides-soignants aussi, la présence médicale est renforcée par la création d’un poste de médecin coordonnateur », explique Gérard Brami. Mais les résidents ne sont pas pour autant dépourvus de droits.

Cette même année est en effet celle du vote de la Kouchner du 2 janvier 2002. Les établissements d’hébergement intègrent ainsi des conseils de la vie sociale, au sein desquels les résidents et leurs familles sont majoritaires. Livret d’accueil, charte des droits et des libertés, projet d’établissement et projet de vie personnalisé, contrat de séjour, « incontestablement, l’établissement d’hébergement devient un lieu où l’expression est possible. Et il s’agit là d’un changement important de direction des établissements d’hébergement, trop habitués à vivre en autarcie », souligne Gérard Brami.
 

Des limites budgétaires

En 2007 se met en place un processus de médicalisation supplémentaire, la « pathossification », selon les termes de Gérard Brami, qui est fondée sur une évaluation des besoins de soins des résidents, effectuée par le médecin coordonnateur de l’établissement et validée par les médecins conseils de l’Assurance maladie. En 2009, nouvelle évolution avec la loi Hôpital, Patient, Santé, Territoires (HPST) qui crée notamment les Agences Régionales de Santé, chargées d’autoriser, de contrôler et d’allouer les ressources des établissements pour personnes âgées. La boucle est bouclée, le système tel qu’on le connaît aujourd’hui a fini de prendre forme.

Il a des avantages certains, puisqu’il a permis de formaliser un fonctionnement institutionnel, avec des exigences légales, règlementaires et qualitatives clairement cadrées. Les limites du modèle se situent néanmoins au niveau budgétaire. Comme le note Gérard Brami, « l’augmentation de la dépendance a un caractère géométrique que les augmentations tarifaires ne peuvent suivre au regard de leur évolution purement arithmétique ». En résulte un important retard sur les plans financier et budgétaire, qui impose aujourd’hui de nouvelles réflexions sur lesquelles il n’est plus possible de faire l’impasse. D’autant que la problématique ne date pas d’hier. En 2018 déjà, France Info notait que 15 ans après la création des EHPAD, « le manque criant de moyens fait ressurgir la vieille image de l’hospice ». Un travail de fond est plus que jamais nécessaire pour que les EHPAD puissent véritablement s’intégrer dans les parcours de vie de nos concitoyens.

Article publié dans le numéro d'avril d'Ehpadia à consulter ici



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